Ahmed Skounti: "le dossier de la musique Gnaoua sera présenté à l'UNESCO en 2019"

Ahmed Skounti est l'un des consultants de l'UNESCO. Il est chargé d'évaluer les candidatures au patrimoine immatériel de l'humanité. Il évoque avec nous la politique patrimoniale du Maroc, entre autres.

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Ahmed Skounti. © DR

Telquel.ma : Comment le dossier de la danse guerrière Taskiwin s’est-il retrouvé dans la liste de sauvegarde urgente de l’UNESCO ?

Ahmed Skounti : J’ai été contacté en 2013 par l’association Targa Aide au sujet de cette danse martiale. Ils ont consulté d’anciens danseurs de Taskiwin et préparé un diagnostic sur cette danse, et les causes de sa régression. Ils ont également préparé un plan pour sa sauvegarde qui a été présenté à l’UNESCO cette année.

Vous présidiez en 2017 l’organe d’évaluation des dossiers de candidatures au patrimoine immatériel pour l’année 2017 au sein de l’UNESCO. Le fait que vous soyez marocain n’a-t-il pas représenté un conflit d’intérêts lors de la présentation du dossier de la Taskiwin?

Pas du tout, l’organe d’évaluation qui est mis en place par le comité intergouvernemental du patrimoine immatériel est composé de douze personnes qui représentent plusieurs pays. Je n’ai évidemment pas accès aux dossiers marocains, donc je n’ai pas pu consulter celui de la danse Taskiwin. Je me suis retiré au moment où la commission tablait sur la candidature marocaine. Et le rapport a été soumis au comité qui est habilité à choisir les dossiers retenus.

Lire aussi : Ce qu’il faut savoir sur la Taskiwin, la danse marocaine devenue patrimoine culturel de l’UNESCO

En octobre dernier, Neila Tazi, la fondatrice du Festival Gnaoua et Musique du monde, expliquait que la candidature de la musique Gnaoua s’était heurtée au « mépris » du ministère de la Culture qui est le seul habilité à soumettre les dossiers du Royaume. Qu’en pensez-vous ?

Il n’y a pas lieu de parler de mépris, car le dossier de candidature de la musique Gnaoua est en attente. Il faut comprendre que ce dossier est bien différent de celui de Taskiwin. Le premier a été présenté sur la liste représentative et le deuxième sur la liste de sauvegarde urgente qui est prioritaire.

Même si Gnaoua a été présenté avant Taskiwin, la priorité a été donnée à cette danse martiale menacée de disparition. Mais le dossier Gnaoua sera présenté en 2019. En 2018, le Maroc n’aura pas le droit de présenter un dossier, car la Taskiwin a été retenue par l’UNESCO et que l’art gnaoua ne figure pas sur la liste de sauvegarde urgente.

Aujourd’hui six lieux ou traditions marocaines font partie du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Qu’est-ce que cela implique?

Ces patrimoines font l’objet d’un rapport sur leur sauvegarde tous les six ans. Vu que le Maroc a ratifié la convention de l’UNESCO en 2006, il a présenté son premier rapport sur ces six patrimoines en 2012. Ce rapport doit porter sur l’application de la convention ainsi que les initiatives prises au niveau national pour assurer la sauvegarde de ces éléments. Il doit être réalisé par le ministère de la Culture avec l’aide des autorités locales.

Ce sera également le cas de la Taskiwin?

Dans ce cas, un rapport devra être rédigé tous les quatre ans. Cette année, on a assisté à un fait inédit. Pour la première fois, un pays (le Vietnam) a demandé à ce que la musique Xoan qui a été inscrite sur la liste de sauvegarde urgente en 2011 soit transférée sur la liste représentative, car le plan de développement a été dument respecté et la situation de cette musique s’est beaucoup améliorée. La pratique n’est plus menacée, elle a gagné en visibilité et le comité a accepté la demande sur la base d’une nouvelle candidature pour la liste représentative.

Peut-on imaginer le même scénario pour la danse Taskiwin ?

D’ici quatre ans, j’espère que Taskiwin connaîtra le même essor que la musique Xoan. Il y a aujourd’hui des signes positifs. Le processus de préparation de la candidature a entrainé une dynamique locale. De nombreuses associations ont vu le jour depuis et tout le monde veut apprendre et avoir sa propre troupe. Une fédération sera créée aussi selon le plan de sauvegarde, ce qui est une bonne chose.

Qui financera la sauvegarde de Taskiwin ?

Le ministère de la Culture, l’Institut royal de la culture amazighe et certaines associations locales. Pour l’instant, il n’est pas prévu de faire appel à des financements internationaux.

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