L'Ours, un autre regard sur le hasard

Avec "L'Ours", l'écrivain Mohammed Ouissaden nous révèle un monde double où le réel ne serait que la façade d'un univers invisible, mais redoutable.

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Imsouane, entre Essaouira et Agadir. Un jeune écrivain, en vacances, part à la quête d’un visage inhabituel dont la vie mouvementée nourrirait son imagination. La personne recherchée est un homme qui n’a « pas peur de la mort« .

Le jeune auteur est convaincu que c’est « en racontant l’histoire de  ce genre d’hommes » qu’il pourrait devenir un véritable écrivain. Noircir des pages relève alors d’un irrépressible acte de foi.

Un jour, il rencontre une personne exceptionnelle au visage d’ours, dissimulant l’amertume d’une vie et un passé des plus douloureux. L’homme est un vieux si solitaire et si privé qu’on le croirait à peine vivant. Une des particularités du personnage: il est un féru de livres. Sur un rocher, il tient le célèbre Voyage au bout de la nuit de Céline.

S’ensuit une discussion qui débouchera sur des négociations pour faire parler le vieillard. Ce dernier ne répond que par des phrases tirées de l’œuvre qu’il tient entre ses mains. « Un petit exercice littéraire » que le jeune écrivain semble avoir réussi.

Le vieillard décide alors de se confier. Il raconte son vécu peuplé de faits historiques à un jeune écrivain à « l’imagination encore fertile et prometteuse« . Le fil rouge du récit, c’est la vie de cet homme, « abandonné par les siens, un brillant écolier, ancien marin, ancien haut-gradé de l’armée, remarquablement cultivé, mais qui finit par vivre en ermite« .

On dévore avec délectation ces 240 pages de L’Ours, publié aux éditions Broc & Jacquart. Avec cette histoire d’un homme qui ne s’est jamais remis de son passé, Mohammed Ouissaden nous propose une intrigue plus intimiste que ses précédentes œuvres.

L’Ours est une mélodie romantique pleine de mélancolie qui ressemble au fil ténu, mais tenace qui rattache chacun à la vie. La plume d’Ouissaden fait l’éloge de la coexistence de la mort et de la beauté qui traverse son texte. L’une n’allant pas sans l’autre, la dernière offrant une issue contre l’horreur, le désespoir et la solitude.

Reste après tous ces récits et toutes ces émotions le mystère des souvenirs et l’énigme de ce qui a fait une vie humaine. Car à cette trame qui remonte le cours du temps se superpose un autre regard sur le hasard. Un regard où le réel ne serait que la façade d’un univers invisible, mais redoutable.

Plus qu’un roman, L’Ours de Mohammed Ouissaden est aussi un texte imprégné d’une force poétique où le surnaturel alimente le naturel. Le tout dans une symbiose qui dynamise le récit.