Mohammed Abdennabaoui, un "fqih du droit" patron du ministère public

Procureur général du roi à la Cour de cassation depuis le 3 avril, Mohamed Abdennabaoui est également membre de droit du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ). Le 7 octobre, le parquet - historiquement rattaché au ministère de la Justice- passera sous son autorité. Portrait d'un procureur discret, mais influent, apprécié jusqu'au sein du corps des avocats.

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Mohammed Abdennabaoui. Crédit: AicPresse

« C’est un homme qui mérite le siège qui lui a été confié au sein du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire« , nous explique d’emblée un ancien bâtonnier. Le 3 avril, Mohammed VI nommait Mohamed Abdennabaoui procureur général à la Cour de cassation. Un poste qui lui réserve de droit un siège au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), en vertu des dispositions constitutionnelles.

Né en 1954 à Khouribga, Mohamed Abdennabaoui est un magistrat discret, qui a laissé une impression positive partout où il est passé. L’image « d’un homme de dialogue, ouvert, et respectueux de tous, avocats comme juges. Il a le courage de ce qu’il dit, et de ce qu’il pense. Il ne se cache pas, mais est très ouvert au débat« , selon cet avocat qui a eu à plaider contre lui à plusieurs reprises. La majorité de ses confrères dépeignent un homme « transparent, extrêmement honnête, qui ne traîne aucune affaire ou de scandale ».

Du parquet au ministère de la Justice, et vice versa

Avant sa nomination au CSPJ, Mohamed Abdennabaoui a été procureur à Lâayoune, Benslimane, Mohammedia et Casablanca. S’il a débuté sa carrière au sein du parquet, il est également passé par le  ministère de la Justice, à la Direction générale de l’Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion, puis à la Direction de l’administration pénale et des grâces (DAPG) , avant de redevenir aujourd’hui procureur.

Son parcours des deux côtés du miroir en fait « un rouage essentiel lors de la mise en place du CSPJ. Vu que certaines compétences du ministère vont être transférées au Conseil, son expérience au sein de la magistrature et du département de la justice va être très précieuse », confie un vieux routier des tribunaux marocains.

L’instance étant appelée à garantir l’indépendance des magistrats, la nomination d’Abdennabaoui est accueillie avec beaucoup d’enthousiasme dans le monde de la justice. « Il ne fait pas de favoritisme, il ne soutient pas de magistrats malhonnêtes. Il est irréprochable là-dessus« , explique un de ses confrères. « On peut compter sur lui pour participer à la transition« , poursuit-il.

Mais au-delà de sa probité, Mohamed Abdennabaoui est aussi un « fqih du droit ». « C’est un véritable technicien du droit, et l’un des principaux exécuteurs de la politique pénale marocaine, avec certes tous ses défauts et ses insuffisances », nous confie notre interlocuteur. Une politique pénale « dont il n’est pas l’artisan, mais il a le mérite d’essayer d’en arrondir les angles et d’aller vers un meilleur respect des droits de l’Homme« .

Un procureur à la culture des droits de l’Homme, mais…

Il a notamment été l’architecte d’une réforme des prisons lors de son passage à la Direction des établissements pénitentiaires. Celle-ci permettait aux détenus de passer plus de temps avec leurs familles, d’effectuer des balades avec leurs proches. La réforme a aussi permis d’introduire une plus grande pratique des sports collectifs en milieu carcérale. Une « culture droits de l’Homme » qui le conduit d’ailleurs en 2004 à faire partie de la délégation qui défend le bilan du Maroc à Genève, lors de l’Examen périodique universel.

De même, lors du « dialogue des droits humains » tenu entre des représentants américains et le gouvernement marocain en 2009, c’est lui qui mène la délégation et explique aux Américains que « le Maroc prend très au sérieux les droits des prisonniers« , selon un câble révélé par Wikileaks.

« Il a cette fibre, mais on peut par exemple lui reprocher d’accepter d’exécuter des décisions de justice venant de Russie, d’Arabie Saoudite ou d’Algérie, alors que le Comité onusien contre la torture considère que les décisions de ces pays ne sont pas applicables. Il le sait pertinemment, c’est l’une de ses spécialités« , considère un autre juriste.

Le procureur général du roi à la Cour de cassation est aussi un spécialiste de la procédure d’extradition et de la coopération judiciaire, sur laquelle il a rédigé un ouvrage juridique. Fort de cette spécialité, c’est même lui qui s’est rendu à Madrid pour éteindre l’incendie provoqué par la libération du pédophile espagnol Daniel Galvan.

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