À Tanger, le roi Salman entre farniente et diplomatie

Cette année encore, le souverain saoudien devrait poser ses valises pour les vacances d’été dans sa résidence tangéroise, près de Cap Spartel. Une aubaine pour les opérateurs économiques de la région.

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Pour la troisième année consécutive, le roi Salman d’Arabie Saoudite a jeté son dévolu sur Tanger pour ses vacances estivales. Son arrivée imminente est aussi scrutée qu’un croissant lunaire annonçant ramadan. D’autant que dans la crise opposant son pays au Qatar, la position neutre du Maroc, qui compose avec deux précieux alliés, aurait pu être mal perçue par le souverain saoudien. Il n’en est rien. Après une visite officielle en Russie, le roi Salman se rendra bien à Tanger cet été.

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Autour de sa gigantesque résidence au bord de l’Atlantique, c’est l’effervescence des grands jours mêlée à de la fébrilité. Des grappes d’ouvriers travaillent d’arrache-pied dans des nuages de poussière pour accueillir le roi Salman et sa cour. “Tout doit être prêt pour le samedi 15 juillet”, glisse l’un d’eux. “Depuis de nombreuses semaines, nous effectuons des travaux de voierie et d’assainissement, vérifions l’électricité. A l’intérieur, les pavillons ont été décorés, les jardins taillés et toilettés…”, explique un autre ouvrier. Rien n’est laissé au hasard dans cette luxueuse résidence — proche du non moins luxueux hôtel Mirage — où le monarque saoudien devrait passer un mois. “Les ouvriers ont beaucoup de pression pour tenir les délais, note un observateur avisé. Ils sont encadrés par des entreprises généralement libanaises avec des collaborateurs français, qui travaillent avec les Saoudiens depuis plusieurs années.”

Luxe, calme et volupté

Constituée de quatre pavillons de couleur jaune pâle et surmontés de toits à tuiles bleues, la résidence royale, qui appartenait auparavant à l’ancien Chef du gouvernement espagnol Felipe Gonzalez, a été vendue à 2,5 millions d’euros. Elle vaut largement plus depuis les aménagements effectués par la royauté saoudienne. Protégée par un haut mur blanc long de 1,5 kilomètre et constellée de caméras de vidéosurveillance, elle abrite quatre héliports et compte une centaine de voitures. Depuis une semaine, des membres de la délégation et du protocole — dont des chauffeurs saoudiens croisés près du Mirage — sont sur place, dans la perle du détroit, pour prospecter.

Côté logistique, près de huit hôtels auraient été réservés parmi les plus fastueux de la ville, dont le Mövenpick, le Minzah, le Hilton, le Solazur et le Mirage, ainsi que des villas et appartements meublés et plus d’un demi-millier de voitures haut de gamme auraient été louées. “Des Mercedes, Range Rover, Jeep…”, précise notre observateur. “Le roi et sa suite, c’est environ mille personnes, donc autant de chambres et de maisons louées”. Evidemment, les opérateurs économiques et touristiques se frottent les mains de cette venue, synonyme de retombées substantielles. On se souvient que la première visite du roi Salman remonte au 4 août 2015, quand il a écourté ses vacances sur la Côte d’Azur suite à un séjour polémique. Des associations locales et des médias français s’étaient déchaînés contre la “privatisation” de la petite plage publique au pied de sa villa. Résultat : il n’y a passé qu’une semaine alors que sa diplomatie avait annoncé qu’il resterait un mois. Il avait alors mis le cap sur Tanger. Depuis, c’est une réelle affection qui lie le roi Salman à la perle du nord. Durant l’été 2016, il y a même célébré le mariage d’un de ses fils, conviant à cette occasion Mohammed VI et Lalla Salma.

Ce que femme veut…

Comment expliquer le tropisme du roi Salman pour Tanger ? Son mythe, sa géographie et son histoire y jouent sans doute pour beaucoup. Mais dans les salons de Riyad, on chuchote une raison nettement plus romanesque : sa femme Fahda préfèrerait le nord du Maroc à Marbella, en Espagne, où le monarque a souvent séjourné du temps où il était prince héritier et où il aimait se rendre avec sa première épouse, Sultana (décédée en 2011).

Mais l’été pour le roi Salman n’est pas que synonyme de farniente. Quand le souverain saoudien est là, sa résidence se transforme en haut lieu de relations internationales et de décisions géostratégiques. L’an dernier, on a assisté à un ballet de rencontres d’importance. Et il est fort à parier qu’il en sera de même cette année, même si rien ne filtre à ce niveau-là. En 2016, l’émir du Qatar, Tamim Bin Khalifa Al Thani a rendu visite au roi Salman dans sa résidence de Tanger. Le devenir de la Turquie avait alors été abordé. Nicolas Sarkozy, l’ex-président français, a aussi fait un crochet par la ville du détroit pour rencontrer le souverain dans sa propriété. Cette année, selon plusieurs médias, “le souverain saoudien devrait également rencontrer Mohammed VI lors de son séjour à Tanger”. Au menu de la rencontre, “la crise du Golfe et le différend entre le Qatar et les autres pays de la région, dont l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis”.

Par Abdeslam Kadiri

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