La FGD rompt toute "coordination" et "alliance" avec Al Adl Wal Ihssane

La coalition de formations de gauche justifie cette décision par une opposition des projets politiques et sociétaux. Une annonce qui suscite des réactions prudentes pour l'heure du côté de la Jamaâ.

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Au milieu, Mohammed Abbadi SG d'Al Adl Wal Ihssane Crédit : Yassine Toumi.

La Fédération de la gauche démocratique (FGD), qui regroupe plusieurs petits partis de gauche, le PSU, le PADS et le CNI, met fin une fois pour toutes à toute velléité de rapprochement avec Al Adl Wal Ihssane. La décision a été officialisée par une note interne adressée le 18 juin aux bureaux locaux, régionaux et provinciaux, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la fédération, et dont Telquel.ma détient copie.

Le bureau exécutif de la FGD explique que « la fédération est attachée à son projet politique qui rompt avec les orientations d’intégrisme makhzenien et religieux. Les militant(e)s devront ainsi respecter les choix d’alliance de notre formation. Et de ce fait, il n’y a pas d’alliance avec les ennemis de la démocratie que ce soit à des fins tactiques, ou de manière périodique« .

À peine voilée, l’allusion à Al Adl Wal Ihssane est confirmée par plusieurs cadres de la fédération de gauche. « Nous respectons Al Adl Wal Ihssane, mais leur ligne politique religieuse n’a aucun lien avec la nôtre. Nous avons une vision et un projet de société opposés. C’est pourquoi nous avons appelé nos militants à arrêter toute coordination avec Al Adl« , nous explique Abdellatif El Yousfi, membre du Conseil national du PSU (Parti socialiste unifié).

Le militant rappelle les divergences de fond entre la Jamaâ et les camarades du PSU: « nous croyons en une monarchie parlementaire alors que de leur côté, c’est très flou. Donc sur les conditions de base nous ne sommes pas d’accord. Je ne vois pas pourquoi nous allons coopérer« .

Ali Boutouala, secrétaire national du Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS), abonde dans le même sens: « Nous portons un projet progressiste. On ne peut se permettre de s’allier à une formation qui reproduit le despotisme religieux. Il n’existe aucun point de convergence entre nos deux projets politiques« , poursuit-il.

« Rompre notre coordination avec Al Adl n’est pas une décision isolée »

La Jamâa commente prudemment cette décision. « La fédération de gauche est libre dans ses décisions, mais je ne veux pas m’étaler sur cette question au vu des circonstances actuelles« , nous déclare Hassan Bennajeh, porte-parole d’Al Adl Wal Ihssane (AWI). « Nous ne devons pas perdre de vue ce qui peut nous détourner du Hirak important que vit le Maroc. J’ai aussi beaucoup de respect pour certains amis de la fédération. Ils sont sages et dénoncent cette position« , poursuit-il, laconique.

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L’annonce de la rupture entre la Jamâa et les partis de gauche intervient quelques semaines après  la grande manifestation de soutien au Hirak du 11 juin à Rabat où AWI était présente en force. « Il y a eu des dissensions, car certains de nos militants se sont coordonnés avec ceux d’Al Adl Wal Ihssane un peu partout au Maroc pour la manifestation du 11 juin et nous sommes contre cette position« , nous explique Adellatif El Yousfi. Pour lui, il aurait fallu « unifier et clarifier les positions une fois pour toutes ».

La secrétaire générale du PSU, Nabila Mounib, écarte pour sa part toute relation entre cette décision et la marche précitée. Elle a ainsi déclaré à nos confrères du 360.ma que le mot d’ordre envoyé par la FGD à ses militants est « tout à fait normal« , et « ne résulte pas des divergences lors de la marche de Rabat« .

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L’appel à la rupture avec la Jamaâ n’est pas une idée nouvelle, comme nous le signifie le secrétaire national du PADS. « Il est important de noter que cette décision de rupture est uniquement un rappel interne qui intervient après la manifestation du 11 juin certes, mais cela a été formulé dès la formation de la Fédération de gauche démocratique« , rappelle Ali Boutouala.

L’expérience du Mouvement du 20 février, au sein duquel la Jamâa se coordonnait avec une partie de la gauche, s’est soldée par un échec après le retrait d’AWI de cette cohabitation au lendemain de l’arrivée du PJD au pouvoir.

À l’époque, la Jamaâ avait  justifié sa décision par le refus d’un « plafond pour les revendications ». « Rompre notre coordination avec Al Adl n’est pas une décision isolée. Ça fait bien sûr écho au passé, notamment à l’expérience que nous avons vécue au sein du Mouvement du 20 février« , précise Abdellatif El Yousfi.

Au sein de la FGD, cette décision ne fait pas l’unanimité pour autant. « Il y a une minorité de militants qui défendent la coopération avec Al Adl, mais les instances dirigeantes ont tranché« , explique le secrétaire national du PADS.

Même son de cloche du côté de Abdellatif El Yousfi, qui relève que « certains militants pensent que ça ne pose aucun problème de collaborer avec la Jamâa. C’est un avis qui se respecte, mais les bureaux politiques ont dit leur dernier mot et cette décision doit être respectée. C’est un pas vers une harmonie qui était nécessaire« .

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