Mohamed Aujjar, un "droit-de-l’hommiste" au ministère de la Justice

Passation de pouvoir entre Mustapha Ramid et Mohamed Aujjar. Crédit : RT.

Homme politique, journaliste, et militant des droits de l’homme, le remplaçant de Mustapha Ramid à la Justice a traversé une période de vide avant de revenir sur le devant de la scène politique.

Lors de la passation de pouvoir du 6 avril, Mustapha Ramid, ministre PJD sortant, verse quelques larmes. En retour, son successeur Mohamed Aujjar lui tapote dans le dos pour le consoler. Un geste qui n’étonne pas, tant les proches du nouveau ministre de la Justice s’accordent pour le présenter comme un « homme de consensus qui cherche le dialogue et évite les conflits« .

Mohamed Aujjar est né en 1959 dans le Rif, plus précisément à Targuist dans une famille modeste. Depuis le début de sa carrière, il a toujours fait cohabiter engagement politique, militantisme pour les droits de l’Homme, et journalisme. Il est tombé dans les bras du RNI alors qu’il était étudiant en droit à Oujda. Il devient journaliste pour l’organe de presse du parti à la colombe, Al Mithaq Al Watani, dont il devient le directeur de publication en 1998.

« Il était comme un ami. On faisait des reportages politiques ensemble pour couvrir les activités du chef du parti, Ahmed Osman, par exemple« , se souvient un de ses photographes. Aujjar qui était « très intime » avec Osman, alors Premier ministre (1972-1979), s’est alors positionné comme « théoricien du parti« , selon un journaliste qui le connaît bien. « Avec ses éditos, il s’est construit l’image d’un personnage politique ambitieux et audacieux« , se rappelle cette même source.

Droit-de-l’hommiste

« Même si Al Mithaq Al Watani était un quotidien du parti libéral, Mohamed Aujjar défendait les journalistes de gauche au sein de la rédaction. Certains parmi eux étaient des militants victimes des années de plomb« , témoigne Hatim Boussif, ancien journaliste et désormais porte-parole de Mohamed Aujjar. C’est justement ce tropisme de gauche et droit-de-l’hommiste qui a séduit Younes Moujahid, ancien vice-président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) et membre de USFP. « Il a toujours été quelqu’un de très progressiste, c’est pour cela que l’on a travaillé ensemble, alors qu’il était aussi membre de la SNPM« , affirme son camarade syndicaliste. Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à le décrire comme quelqu’un qui « a tendance à être plus proche de la gauche que du RNI« .

Ensemble, ils ont fondé, avec d’autres journalistes, le Club de la presse au Maroc. « Nous avons créé ensemble cet espace de dialogue entre les journalistes et les acteurs de la société, à une époque où il était difficile d’être journaliste« , raconte Younes Moujahid qui se rappelle avoir tenu tête avec Aujjar à Driss Basri, ancien et tout-puissant ministre de l’Intérieur.

À côté, Mohamed Aujjar est aussi l’un des membres fondateurs de l’Organisation nationale des droits de l’homme. « C’est quelqu’un de compétent, qui maitrise ses dossiers« , explique encore Younes Moujahid. Fort de cette expérience, Mohamed Aujjar entre au gouvernement en 1998.

Homme politique redoutable

De cette date jusqu’à 2004, il fait successivement partie des gouvernements d’Abderrahman Youssoufi puis de Driss Jettou en tant que ministre des Droits de l’Homme. « Il a toujours cultivé l’ambition. Je savais qu’il allait devenir ministre« , se souvient un journaliste proche de lui. « Même si son approche a eu des limites, il faut se rappeler qu’il était ministre au moment où on commençait à peine à aborder la question d’équité, à la fin du règne de Hassan II« , relève Moujahid.

Pour lui, son camarade a participé à la transition démocratique, en propageant notamment la culture des droits de l’Homme dans les ministères, la presse, les établissements scolaires et en travaillant à l’harmonisation des conventions nationales avec les conventions internationales. En 2004, il quitte le gouvernement Jettou à l’issue d’un remaniement lors duquel les dossiers relevant de son département sont absorbés par le ministère de la Justice.

La fin de son mandat marque le début d’une traversée du désert d’une dizaine d’années pour le militant RNI. « Il n’a pourtant pas baissé les bras. Il a su continuer à travailler et se placer au sein du RNI. C’est un bon négociateur, un homme sérieux, voire un peu imbu de lui-même« , commente un autre de ses proches. En 2012, Mohamed Aujjar présente sa candidature à la tête du parti de la colombe avant de la retirer au profit de Salaheddine Mezouar.

En parallèle, il continue de travailler afin de se construire un réseau de personnalités et gagner la confiance auprès des organismes internationaux. À partir de 2011, il devient membre du Conseil de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA). Il crée aussi son centre de recherche baptisé Chourouk pour la démocratie, l’information et les droits de l’Homme, grâce auquel il supervise les élections en Mauritanie et au Mali notamment. En 2014, il est alors nommé ambassadeur du Maroc auprès de l’ONU à Genève. « C’était aussi un moyen pour Mezouar de l’éloigner du centre de décision du RNI« , murmure-t-on dans son entourage.

« Mohamed Aujjar nous étonnera toujours. Quand on le croit mort, il se relève« , témoigne un autre de ses proches au sein de la presse. Le 5 avril 2017, le natif de Targuist est choisi pour remplacer Mustapha Ramid à la tête du ministère de la Justice. « Un message d’ouverture et une assurance par rapport aux organismes internationaux« , souligne un de ses compagnons de route. Pour un autre, cette nomination reste tout de même une surprise: « c’est un ministère qui est un peu gros pour lui. Même s’il a fait des études de droit, il ne l’a pas vraiment pratiqué. Sa carrière est plus politique que juridique. Mais peut-être qu’il va encore nous étonner« .

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