Incarcéré au Gabon depuis deux mois, un jeune ingénieur marocain attend encore son procès

Au Gabon depuis le 10 janvier, Rachid Kourss y a été incarcéré le 10 février après un piratage qui a coûté trois millions d'euros à la banque pour laquelle il effectuait une mission.

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Au Gabon, l’affaire du piratage de la Banque gabonaise et française internationale (BGFI) fait scandale. Trois millions d’euros se sont évaporés, et les clients se sont retrouvés dans l’impossibilité d’utiliser leurs cartes de paiement. Dans la nuit du 3 au 4 février, à minuit, la base de données de la banque est piratée depuis des adresses IP étrangères à son siège.

Les auteurs de la fraude créditent près de 100 cartes Visa prépayées et augmentent les plafonds de retrait de ces dernières à 200.000€ chacune. Jusqu’à 11h du matin, au Luxembourg, en France, en Allemagne et en Suisse, des retraits sont effectués pour un montant total de près de 3 millions d’euros, selon plusieurs sources concordantes consultées par Telquel.ma. La banque porte alors plainte contre « X ».

Victime collatérale ?

Trois jours avant l’attaque informatique, soit le 31 janvier, Rachid Kourss « découvrait une activité suspecte » sur le réseau de la BGFI, nous déclare Aïssa Slimani, directeur de Pay Logic, le prestataire marocain de service pour lequel travaille l’ingénieur. La société prévient alors le directeur général de la BGFI du risque de piratage, dans un mail consulté par Telquel.ma.

La semaine suivant le piratage, du 4 au 10 février, Rachid Kourss participe à l’enquête qui a permis de déterminer l’origine de la fraude et le modus operandi, sans pouvoir déterminer l’identité des pirates, toujours selon Aïssa Slimani. Saisie le 10 février, la police judiciaire gabonaise interpelle sept personnes du département informatique de la banque, dont le jeune ingénieur marocain de Pay Logic.

Pourtant, selon une source proche du dossier, les personnes interpellées « ont décidé de prendre des mesures conservatoires pour arrêter l’hémorragie très rapidement. Autrement, la fraude aurait atteint les 13 milliards de francs CFA [20 millions d’euros, NDLR]« .

Le directeur de Pay Logic explique que les équipes de la société ont découvert que « les attaques informatiques dataient de plus d’un mois avant le piratage. Les pirates ont simplement fini par trouver une brèche« . Une information corroborée par Brice Ndong, journaliste d’investigation gabonais et directeur de publication du magazine gabonais Coopération internationale. Il nous explique que « l’on peut remonter jusqu’à décembre 2016. Visa International avait informé la direction de la banque de la situation critique de leurs réseaux et de leur sécurité« .

Selon nos différents interlocuteurs, trois autres personnes ont été arrêtées par la police gabonaise. Elles seraient passées aux aveux avant de se rétracter et d’accuser les membres du département informatique déjà en prison. Pour Brice Ndong, « ces aveux auraient dû permettre d’innocenter les personnes qui avaient été arrêtées au début du mois de février« .

L’ambassade du Maroc au Gabon assure suivre de près l’affaire

Près de deux mois après son arrestation et l’ouverture d’une information judiciaire, aucune audience n’a été fixée par le juge d’instruction. Ce n’est que le 31 mars que l’avocat de Rachid Kourss a pu avoir accès au dossier et aux charges retenues contre lui. Le jeune ingénieur est poursuivi pour « association de malfaiteurs » et « complicité de vol aggravé ».

Ses proches s’inquiètent aujourd’hui des lenteurs dans l’avancement du dossier et des conditions d’incarcérations « difficiles« . Fatima Kourss, sa soeur, dénonce « une situation qui s’éternise depuis presque deux mois« . « Pour simplement demander la liberté provisoire, on n’a aucune visibilité. On n’a réussi à avoir aucune audition« . Selon des sources proches du dossier, la lenteur dans le traitement de l’affaire s’explique par le fait qu’il fallait attendre que « la police boucle son enquête et y intègre tous les éléments nouveaux avant de pouvoir juger l’affaire et éventuellement relaxer ceux qui ne sont pas impliqués ».

La famille de Rachid Kourss a « frappé à toutes les portes. J’ai été reçu à Libreville par l’ambassadeur du Maroc qui m’a assuré suivre le dossier de près« , nous confie Lahcen, le frère de l’ingénieur. Une lettre a également été transmise au Cabinet royal.

Joint par Telquel.ma, Abdallah Sbihi, l’ambassadeur du Maroc au Gabon, nous assure que « l’ambassade suit de très près l’affaire et le sort de Rachid Kourss« . Le diplomate nous confirme avoir rencontré le ministre gabonais de la Justice pour demander « l’accélération du traitement de l’affaire« .

L’action de l’ambassade a permis d’améliorer les conditions de détention du ressortissant marocain et d’informer sa famille de manière régulière. Le 5 avril, l’avocat de Rachid Kourss a pu avoir accès aux procès-verbaux de la police gabonaise. Il demandera au juge d’instruction la liberté provisoire de son client. La décision devrait être rendue dans une semaine.

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