À Tétouan, des jeunes veulent prouver que Jamâe Mezouaq n'est pas un "nid de terroristes"

Un groupe de jeunes Tétouanais a réalisé deux films pour déconstruire l'image négative de leur quartier, considéré comme un "nid du terrorisme".

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Le nom du quartier Jamâe Mezouaq, situé dans la médina de Tétouan, est souvent associé au terrorisme et à Daech, dans les médias. C’est cette image que tentent de déconstruire dix jeunes cinéastes tétouanais âgés de 18 à 33 ans, à travers deux documentaires: « Eyes on Tetouan » et « Filming in Jamâe Mezouaq« .

Le premier nous fait découvrir les rues et la vie du quartier tristement célèbre à travers les yeux des personnages de Hatim et Ilham qui dépeignent leur quotidien dans Jamâe Mezouaq. Ils décrivent aussi leurs expériences personnelles face aux idées islamistes et fondamentalistes propagées par certains prédicateurs.

Ilham, jeune institutrice dans une crèche, vit seule depuis le décès de ses parents. Elle évoque ses retrouvailles avec une de ses amies d’enfance, désormais vêtue d’un niqab, qui a inscrit sa fille dans sa classe. « Je savais que les gens pouvaient changer, mais pas au point de ne pas les reconnaître, raconte-t-elle, alors qu’elle apprend que le mari de son amie avait isolé cette dernière de ses proches avant de mourir en Syrie.

« À Jamâe Mezouaq, je ne connais pas beaucoup de gens qui vivent reclus. J’entends beaucoup parler d’eux alors qu’ils sont peu nombreux. Ce n’est qu’une petite partie de notre quartier. Quand j’entends que Jamâe Mezouaq est connu pour le terrorisme, je trouve cela ridicule« , conclut-elle.

De son côté, Hatim, 19 ans, se retrouve confronté à un groupe proche des Frères musulmans en jouant au foot dans le quartier. Le jeune homme raconte comment il s’est rapproché d’eux avec « le sentiment de devenir une bonne personne » avant d’ouvrir les yeux. « Grâce à mon père, j’ai réalisé que je traînais avec des personnes malhonnêtes. Je pense que cela peut arriver à tout le monde dans n’importe quel quartier. Vous pouvez trouver des organisations qui recrutent de jeunes personnes pas uniquement à Jamâe Mezouaq« , témoigne-t-il.

Un projet porteur d’espoir

Filmé avec justesse et accompagné d’une musique rappelant les influences andalouses de la ville, le documentaire « Eyes on Tetouan« , réalisé par dix jeunes du quartier, veut combattre la stigmatisation dont ils sont victimes. Créatifs, avides de culture et remplis de rêves et d’optimisme, ces jeunes ont appris à tourner avec une caméra professionnelle et monter un film pour montrer leur quartier tel qu’ils le perçoivent.

Dans « Filming in Jamâe Mezouaq« , qui est en fait le making-of de « Eyes on Tetouan« , chacun témoigne de ce qu’il a appris. « Si nous pouvons éduquer  cette nouvelle génération de jeunes personnes et enfants, si nous pouvons construire des écoles, des cinémas, des théâtres, faire de la musique, on arrêtera toutes ces choses. Je ne pense pas que quelqu’un qui dessine, écrit de la poésie, chante ou joue de la musique ira rejoindre les rangs de Daech« , relève Hatim, étudiant en littérature arabe à Tétouan. Un appel à la culture bien éloigné du cliché d’un quartier désigné comme un « nid de terroristes ».

FILMING IN JAMAE MEZOUÂQ – جولة في جامع مزواق from creation tetouane on Vimeo.

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