La Turquie durcit la crise diplomatique avec les Pays-Bas et l'Allemagne

La Turquie, furieuse de voir ses ministres privés de meetings électoraux en Europe, a encore durci la crise diplomatique. Elle refuse le retour à Ankara de l'ambassadeur néerlandais et accuse la chancelière allemande Angela Merkel de "soutenir le terrorisme".

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Recep Tayip Erdogan, président turc
Crédit : AFP

Les Pays-Bas sont dans le viseur du président turc Recep Tayyip Erdogan après leur décision d’empêcher deux ministres turcs de participer sur le sol néerlandais à des meetings en sa faveur avec la diaspora turque, avant un référendum sur le statut présidentiel.

Après avoir qualifié de « nazis » les dirigeants néerlandais, Ankara est passé le 13 mars au soir aux mesures concrètes : la Turquie, a déclaré son vice-Premier ministre Numan Kurtulmus, refuse le retour de l’ambassadeur Kees Cornelis van Rij « jusqu’à ce que les conditions (…) posées soient remplies« . Et d’annoncer la suspension des relations au plus haut niveau avec les Pays-Bas.

Il a précisé que la Turquie souhaitait une enquête sur les évènements des derniers jours, dont le recours à des policiers à cheval et à des chiens pour rétablir l’ordre après une manifestation devant le consulat turc à Rotterdam (centre des Pays-Bas). Ankara veut aussi que les Pays-Bas réparent « les torts qu’ils ont commis« , a-t-il dit sans plus de précision.

La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini a jugé « essentiel d’éviter une nouvelle escalade et de trouver les moyens de calmer la situation« . Le département d’Etat américain a également exhorté à « éviter l’escalade« .

Tensions avec l’Allemagne

La tension a aussi grimpé ces derniers jours avec l’Allemagne, où plusieurs villes ont refusé la tenue de meetings électoraux turcs. Le 13 mars, Recept Erdogan s’en est pris directement à la chancelière Angela Merkel, accusée de « soutenir les terroristes« . « Mme Merkel, pourquoi cachez-vous des terroristes dans votre pays ? Pourquoi n’agissez-vous pas ?« , a lancé le président turc à la télévision.

Cette diatribe était destinée à dénoncer le « soutien » qu’apporterait Berlin, selon lui, à des militants de la cause kurde et à des suspects recherchés pour le coup d’Etat manqué du 15 juillet dernier, en leur offrant refuge. Angela Merkel a jugé ces propos « aberrants« . « La chancelière n’a pas l’intention de participer à un concours de provocations« , a déclaré son porte-parole Steffen Seibert. Dans son allocution, Recep Erdogan a également accusé l’Allemagne de « nazisme« , une critique du soutien de Angela Merkel à son homologue néerlandais Mark Rutte dans le bras de fer avec Ankara.

Ankara est un partenaire stratégique de l’UE, notamment dans la gestion de l’afflux de migrants vers l’Europe. Mais à la lumière de la crise actuelle, le ministre turc des Affaires européennes Omer Celik a évoqué le 13 mars un « réexamen » du pacte sur la lutte contre l’immigration conclu il y a un an avec l’Europe.

Impact international

La crise a été déclenchée par le refus des Pays-Bas d’autoriser le 11 mars une visite du chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu, suivi de l’expulsion de la ministre de la Famille Fatma Betül Sayan Kaya. Ils devaient participer à des meetings pour convaincre l’importante diaspora turque de voter « oui » lors du référendum du 16 avril. La présence d’hommes politiques turcs à de tels rassemblements a donné lieu ces dernières semaines à des passes d’armes entre Ankara et plusieurs capitales européennes.

Le chef de l’Otan, Jens Stoltenberg, a lui aussi appelé le 13 mars la Turquie et les pays européens, tous membres de l’Alliance atlantique, à une « désescalade des tensions« . Dans ce contexte extrêmement tendu, les Pays-Bas ont appelé le 13 mars leurs ressortissants en Turquie à rester « vigilants« , après un week-end marqué par des manifestations devant les représentations diplomatiques néerlandaises en Turquie. Le ministère turc des Affaires étrangères à convoqué le chargé d’Affaires néerlandais le 13 mars au matin et lui a remis deux lettres de protestation contre « le traitement infligé aux ministres et aux citoyens turcs aux Pays-Bas« .

De l’avis de Soner Cagaptay, analyste spécialiste de la Turquie au Washington Institute, « Erdogan se cherche des ennemis étrangers imaginaires pour courtiser sa base nationaliste à l’approche du référendum« , et « les Néerlandais sont tombés dans ce piège« . « C’est le bal des hypocrites. On prétend que les négociations d’adhésion (de la Turquie à l’UE) existent encore, mais c’est faux. Il n’y a rien de pire que la situation actuelle. Elle laisse le populisme d’Erdogan s’exprimer« , déplore Didier Billon, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris. Cette crise survient quelques jours avant les élections législatives prévues mercredi aux Pays-Bas, où le parti du député islamophobe Geert Wilders est donné en deuxième place par les sondages.

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