Amnesty International épingle le secteur judiciaire au Maroc

Amnesty International a publié le 21 février son rapport sur l'état des droits humains à travers le monde. L'ONG note certains progrès, mais épingle le royaume sur de nombreux sujets.

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La conférence de presse d'Amnesty Maroc (Archives). Crédit: Rachid Tniouni

Publié la veille sur le site d’Amnesty,  le rapport 2016 sur la situation des droits de l’Homme dans le royaume a été présenté dans la matinée par les responsables de l’ONG au Maroc. Cette nouvelle édition du rapport livre une « image précise » de la situation au royaume selon le directeur exécutif, Salah Abdellaoui qui signale que son organisation n’a toutefois « pas vu d’évolution » au sujet de la « peine de mort, qui est une question primordiale pour Amnesty« .

Justice et droits humains

Le rapport évoque l’avant-projet de loi sur la réforme du Code pénal qui, selon Amnesty, contient « des dispositions progressistes ». L’ONG, qui ne donne pas plus de détail sur cette réforme, relève également les lois relatives au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et au statut des magistrats qui , selon elle, ne garantissent pas l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Amnesty pointe également des « lacunes » dans le dossier de l’abolition de la peine mort, toujours en vigueur au Maroc même si aucune exécution n’a eu lieu depuis 1993. L’ONG rappelle toutefois que 23 condamnations à mort ont été commuées en sentences à perpétuité l’an dernier.

La torture et les mauvais traitements sont également mentionnés par le rapport, qui cite le cas de deux personnes ayant supposément subi de mauvais traitements. Il s’agit de Brahim Saika, mort en détention et qui dénonçait les mauvais traitements subis de la part de la police, et Ali Aarass, déclaré coupable sur la base d’aveux qui auraient été obtenus sous la torture. Sur ce thème, l’ONG regrette aussi que rien n’ait encore été mis en place après les recommandations de l’Instance équité et réconciliation (IER).

Par ailleurs, Amnesty pointe dans son rapport les « restrictions injustifiées » affectant la liberté d’expression et de religion.

Libertés publiques

En matière de libertés publiques, le bilan est là aussi ambivalent.  Amnesty rappelle que 7 personnes sont actuellement poursuivies pour avoir « participé à un projet financé par des fonds étrangers« . L’ONG évoque également le cas d’Ali Anouzla toujours poursuivi dans le cadre de la loi antiterroriste pour la publication sur le site Lakome d’un lien redirigeant vers un article contenant une vidéo de Daech. L’ONG note cependant la suppression des peines privatives de liberté dans le Code de la presse adopté en août.

Quant à la liberté d’association et de réunion, Amnesty note de nombreuses restrictions imposées aux associations de défense des droits humains, notamment Freedom Now et l’AMDH dont les activités au niveau de nombreuses branches locales ont été interdites. L’ONG estime en outre que « la liberté de réunion pacifique reste soumise à des restrictions » au Maroc.

Droits des personnes

Sur le droit des femmes, Amnesty estime que le projet de loi contre les violences de genre contient « des éléments, notamment des mesures en vue de protéger les victimes de violence pendant la procédure judiciaire et par la suite, mais sans renforcement notable, il n’assurerait pas aux femmes une véritable protection contre les violences et la discrimination« . Le rapport regrette également que l’avortement reste une infraction, malgré les exceptions prévues pour  les cas d’inceste et de viol.

La situation des personnes homosexuelles ne s’est quant à elle pas améliorée, le rapport faisant référence aux événements homophobes survenus à Beni Mellal en mars dernier, dont les deux victimes ont été condamnées à des peines avec sursis.

Quant aux migrants, l’ONG regrette le « recours excessif à la force de la part des autorités marocaines et espagnoles« , ainsi que la destruction de campements improvisés par les clandestins autour de Nador. Le rapport relève cependant des points positifs, notamment les campagnes de régularisation de migrants, mais regrette l’absence de système national d’asile. Salah Abdellaoui abonde dans ce sens, admettant que « les droits des migrants commencent à être respectés. Il y a une reconnaissance partielle, ce qui est un bon premier pas, mais il faut aller vers l’adoption de lois d’asile pour pérenniser le système« .

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