Le point sur la croisade de Donald Trump

Le président américain s'est empressé de donner corps aux deux promesses les plus fondamentales - et controversées - de sa campagne présidentielle, en déclarant le 25 janvier qu'il construirait un mur à la frontière avec le Mexique et qu'il resserrerait considérablement les restrictions imposées à ceux qui pourraient entrer aux États-Unis.

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Donald Trump, président des États-Unis Crédit: AFP

Le président Trump a ordonné, le 25 janvier, la construction d’un mur à la frontière mexicaine – le premier parmi une série d’actions pour réprimer l’immigration illégale et renforcer la sécurité nationale. Trump a affirmé que les États-Unis sont « au milieu d’une crise sur [leur] frontière sud », citant une « vague sans précédent » d’immigrants sans papiers d’Amérique centrale qui ont afflué dans le pays.

Trump a fondé sa campagne présidentielle en grande partie sur la promesse d’une immigration plus stricte. Il a ainsi promis d’ériger un mur couvrant les 3 200 kilomètres de frontière avec le Mexique. La construction d’un tel édifice coûtera des dizaines de milliards de dollars, selon les estimations. Le président américain a insisté sur le fait que le Mexique paierait pour le mur, bien que le président mexicain Enrique Peña Nieto ait déclaré rejeter catégoriquement cette idée. Toutefois, le financement complet du mur exigerait l’approbation du Congrès.

Le budget de la sécurité intérieure américaine comprend environ 175 millions de dollars pour la modernisation des bâtiments de la patrouille frontalière et l’acquisition de nouveaux équipements. Cette somme pourrait finalement être consacrée à la construction du mur.

Dans la foulée, les responsables de la Maison-Blanche ont annoncé que Donald Trump envisage de mettre un terme à un programme en vigueur depuis plusieurs décennies qui accorde le refuge aux personnes les plus vulnérables. Les mêmes sources indiquent que le président américain compte renforcer les contrôles pour les personnes qui entrent aux États-Unis.

Mesures controversées, retombées inévitables

« À partir d’aujourd’hui, les États-Unis d’Amérique reprennent le contrôle de leurs frontières », a déclaré Trump dans un discours au département de la Sécurité intérieure, où il a signé les deux décrets. Il a annoncé que le mur qu’il compte ériger et une application plus minutieuse des lois sur l’immigration « sauveront des milliers et des milliers de vies ».

L’administration Trump envisage également une suspension de 120 jours de l’admission des réfugiés, ainsi qu’une réduction du nombre de ceux qui sont autorisés à entrer aux États-Unis dans l’exercice en cours à 50.000 au lieu de 110.000. Les mesures annoncées peuvent également inclure un plan pour créer des zones de sécurité en Syrie et la région environnante.

Le président américain examinera également la question de la réouverture des « sites noirs » de la CIA, ces centres d’interrogatoire et de détention secrets qu’elle exploite à l’étranger. L’ancien président Barack Obama a ordonné la fermeture de tous ces centres lors de la première semaine de sa présidence en 2009.

Cependant, la réalité de la construction du mur pourrait être plus difficile à concrétiser. La longueur du mur, son coût et la partie qui s’occupera de ses charges restent des questions fondamentales.

Il y a également un débat houleux sur la faisabilité de la structure et sur la nécessité de celle-ci en premier lieu. Le président mexicain a de nouveau déclaré que « le Mexique ne mettrait pas un seul peso pour le projet de construction du mur ». Dans une allocution télévisée, il a déclaré: « Je regrette et rejette la décision des États-Unis de construire le mur.

Les villes sanctuaires sanctionnées

Comme promis pendant sa campagne, Donald Trump a aussi lancé la bataille contre les villes dites « sanctuaires » pour immigrés clandestins, signant un décret pour les priver de fonds fédéraux. Plus de 200 villes et 300 juridictions locales américaines revendiquent ce statut de sanctuaire et affirment mordicus leur volonté d’empêcher les expulsions de clandestins, estimés à quelque 11 millions aux États-Unis.

Le point commun à toutes ces villes est qu’« elles refusent de coopérer avec les services de l’immigration », explique Michael Kagan, juriste et directeur d’une « Clinique de l’immigration » à l’université du Nevada, cité par AFP. Elles refusent notamment d’honorer les demandes d’incarcération que leur présentent les autorités de l’immigration. Ou de maintenir en prison plus longtemps que prévu un clandestin condamné afin de faciliter son expulsion.

L’ONU n’est pas en reste…

Les alliés des États-Unis ont exprimé leur inquiétude et scepticisme suite à des rapports selon lesquels l’administration Trump se prépare à ordonner des coupes radicales dans le financement des Nations Unies et d’autres organisations internationales. Selon les médias américains, Trump se préparerait à réduire de 40% les contributions volontaires des États-Unis aux organismes internationaux. Les fonds devraient être coupés à toute organisation internationale qui accorde une adhésion à part entière à l’Organisation de libération de la Palestine ou à l’Autorité palestinienne, ou appuie des programmes qui financent l’avortement ou soutiennent l’Iran ou la Corée du Nord.

Une deuxième ordonnance appellera à un examen et un retrait possible de certaines formes de traités multilatéraux qui n’impliquent pas la « sécurité nationale, l’extradition ou le commerce international ». À titre d’exemple, selon le New York Times qui a d’abord signalé les ordonnances, les cibles potentielles comprennent la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant.

Selon le Washington Post, le projet de révision du financement prendra un an et sera supervisé par un groupe composé des départements de la Défense, de l’État, de la Justice, du bureau du directeur de la sécurité nationale, du bureau de gestion et du budget et du bureau national conseiller en sécurité.

Toutefois, l’ordonnance sur les réductions des financements internationaux, intitulée « Vérification et réduction du financement des organisations internationales par les États-Unis », réduirait les dépenses du Congrès et n’attirerait probablement qu’une opposition limitée au Congrès. Les législateurs se plaignent régulièrement que la contribution des États-Unis, soit 22% du budget principal de l’ONU et près de 29% des coûts des opérations de maintien de la paix, est disproportionnée.

Suite à cette annonce, Natalie Samarasinghe, directrice générale de l’Association des Nations Unies pour le Royaume-Uni (UNA-UK), a mis en garde contre les répercussions potentielles sur des programmes déjà gravement sous-financés, y compris de nombreuses initiatives humanitaires que les administrations américaines successives et le public américain ont appuyées. « Non seulement cela nuit au système international, mais aussi aux priorités américaines de longue date telles que les initiatives de maintien de la paix et de développement visant à stabiliser les États fragiles et à combattre l’extrémisme », a-t-elle ajouté.

Le document est accompagné d’une note explicative, affirme l’AFP, qui mentionne deux accords multilatéraux initiés sous l’égide des Nations unies: la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la convention des droits de l’enfance. Or, il se trouve que les États-Unis n’ont jamais ratifié aucune de ces deux conventions.

Trump nuit-il à l’âme des États-Unis ?

Les décisions de Donald Trump constituent une rupture brutale avec l’approche de l’ancien président Barack Obama et ce qui était autrefois un consensus bipartisan pour garantir la citoyenneté à certains immigrants illégaux. Trump, lui, décrit les immigrants non autorisés comme des criminels qui doivent être retrouvés et extradés de force aux États-Unis. Les décrets qu’il a signés ont suscité la condamnation féroce de groupes de droits civils et des groupes religieux ainsi que des organisations de défense des droits des immigrants. Les groupes les ont qualifiés d’insensés, de contre-productifs et de coûteux et ont dit que les nouvelles politiques susciteraient des préoccupations constitutionnelles tout en minant la tradition américaine d’accueillir des gens du monde entier.

« Avec ces démarches sournoises et inconstitutionnelles, le président Trump tourne le dos à notre histoire et à nos valeurs en tant que nation fière d’accueillir des immigrants« , a déclaré Nancy Pelosi, une leader démocrate. Le président américain, selon des médias locaux, a ordonné au secrétaire d’État et au secrétaire de la Sécurité intérieure d’accorder la priorité aux personnes persécutées appartenant à des minorités religieuses, insistant essentiellement sur le fait que les chrétiens vivant dans des pays majoritairement musulmans soient en tête de liste. « Pour protéger les Américains, nous devons nous assurer que les personnes admises dans ce pays [les États-Unis] n’aient pas une attitude hostile à l’égard de notre pays et de ses principes fondateurs », précisent les mêmes sources.

Selon le New York Times, l’administration Trump prépare d’autres décrets permettant aux États-Unis de réduire considérablement leur rôle aux Nations Unies et d’examiner les traités multilatéraux.

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