Le Maroc, grand absent du débat des candidats à la présidence de l'UA

Le débat télévisé entre les candidats à la tête de l'Union africaine (UA), n'a pas livré beaucoup d'enseignements. La question de la réintégration du Maroc n'a pas été abordée.

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Crédit: AFP

Au départ, ils étaient cinq. À Addis Adeba, le 9 décembre, les cinq prétendants à la tête de l’Union africaine ont débattu sur l’avenir du continent. Leurs visions étaient, sur bien des thèmes, assez rapprochées, dans un débat qui s’est plus distingué par des promesses et de belles paroles que par des plans d’action détaillés.

Ce fut surtout l’occasion pour chacun des prétendants de se présenter au grand public. Pelonomi Venson-Moitoi, la ministre des affaires étrangères du Botswana, a mis en avant son expérience de près de quarante ans dans la fonction publique. Son homologue tchadien Moussa Faki Mahamat a, de son côté, fait part de sa maîtrise des sujets sécuritaires tandis que l’Équato-guinéen Agapito Mba Mokuy s’est présenté comme le candidat de la jeunesse africaine. Une deuxième candidate, la Kényane Amina Mohamed, s’est illustrée sur les questions économiques et commerciales. Enfin, le Sénégalais Abdoulaye Bathily a clamé ne pas  « être un candidat de circonstance mais un candidat de conviction ».

Libre circulation des personnes 

A l’instar de l’Union européenne, le continent africain est-il voué à devenir un vaste espace de libre circulation pour ses citoyens ? La mobilité des Africains a été en tout cas l’une des thématiques longuement abordée par les candidats au poste de président de l’UA. Le ministre des Affaires étrangères guinéen, Agapito Mba Mokuy, a appelé au « retour aux rêves des pères fondateurs », citant tour à tour Nkrumah, Selassié et Nasser. Pour lui, le récent passeport de l’Union africaine délivré aux hommes d’affaires doit prendre une dimension nationale et doit progressivement être obtenu par tous les citoyens. Une vision partagée par la Kényane Amina Mohamed, qui n’hésite pas à rappeler que le commerce intra-africain atteint « à peine 18 %.»  Selon elle, une plus grande libéralisation des mouvements devrait permettre d’accélérer considérablement le développement du continent.

Financement de l’UA

La question du financement de l’Union africaine a peut-être été le sujet le plus sensible abordé lors de cette rencontre. Le guinéen Agapito Mba Mokuy a ainsi pointé du doigt l’attitude de certains États-membres qui « s’acquittent de leurs cotisations dans les autres instances mais traînent des pieds quand il s’agit de l’organisation continentale mère ». Amina Mohamed et Abdoulaye Bathily promettent, eux, d’implémenter la taxe Donald Kaberuka (qui équivaut à une taxe de 0,2 % sur les importations) et de réformer l’institution pour l’emploi des ressources. Un discours adopté également par le Tchadien Moussa Faki Mahamat, qui a insisté sur la nécessité d’une « vraie volonté politique ». La Botswanaise Pelonomi Venson Moiti emboîtera le pas en déclarant vouloir une « transparence totale » sur le budget de l’UA, dans les années à venir.

La place des femmes, une même volonté mais peu de plans d’action

Le débat, marqué par la présence de deux candidates féminines, la ministre des Affaires étrangères du Botswana, Pelonomi Venson Moiti et son homologue kenyane Amina Mohammed, a aussi porté sur la place de la femme en Afrique. Venson Moitoi a insisté à plusieurs reprises sur sa volonté d’amorcer une réforme générale de l’éducation dans les États membres, sans dévoiler néanmoins les prémices d’un plan d’action. D’une façon générale, tous les candidats ont manifesté leur volonté d’œuvrer pour une plus grande émancipation de la femme dans les sociétés africaines, mais sans avancer des solutions efficaces. Beaucoup de volonté mais peu d’options, comme l’affirme le Tchadien Moussa Faki Mahamat : « Je m’appelle Moussa, mais je n’ai pas de baguette magique ». L’Équato-guinéen Agapito Mba Mokuy, se démarque en proposant de nommer un directeur en charge de « la question des  femmes et jeunes », chargé d’étudier ces questions.

La réintégration du Maroc, le sujet éludé

Le débat a été décevant en plusieurs points. Le retrait de la Cour pénale internationale, la réintégration du Maroc dans l’UA et les droits du mouvement lesbien, gay, bisexuel et transsexuel (LGBT) n’ont pas été évoqués. La question de la sécurité du territoire et de la lutte contre le terrorisme a été rapidement abordée, les candidats se contentant de lier la question du terrorisme à celle de la pauvreté et la désertification. L’un des modérateurs du débat a admis être « frustré » de ne pas avoir pu poser toutes les questions, confie le journal Le Monde. « Ça en dit long sur la démocratie en Afrique », a ironisé, de son côté, un diplomate.

Après le débat – Que disent les pronostics ?

« A moins d’un arrangement de dernière minute, le Sénégal et le Tchad risquent de se neutraliser dans les premiers tours », estime le site d’information Financial Afrik. Les pronostics évoquent un duel serré entre Abdoulaye Bathily et  Pelonomi Venson-Moitoi. Autre scénario envisagé : une lutte entre la ministre des Affaires étrangères botswanaise et le candidat tchadien, Moussa Faki Mahamat qui tournera à une confrontation entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique australe. « Ces deux régions aux visions idéologiques opposées, tant dans le fonctionnement de l’Union que dans les relations avec les anciens colons, ou encore dans la question du Sahara qui divise l’Afrique du Nord, auront du mal à se départage », ajoute ainsi le site d’information africain.

Lire aussi : Retour au sein de l’UA : quels sont les soutiens du Maroc ?

Il est tout à fait plausible que l’Afrique de l’Est joue le rôle d’arbitre. En cela, les déplacements récents de Mohammed VI en Afrique de l’Est revêtent un grand rôle. Le souverain avait l’occasion de s’assurer du soutien de ces pays pour la réintégration du Maroc au sein de l’UA et de renforcer les relations bilatérales. Le Rwanda, l’Éthiopie, le Nigeria ainsi que la Tanzanie ont d’ores et déjà manifesté leur appui au Maroc.

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