Abdelali Benamour évoque le blocage alarmant du Conseil de la concurrence

Le président du Conseil de la concurrence, interviewé par nos confrères de Medias24, évoque, sans concession, le blocage alarmant de son institution.

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Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence
Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence Photo : DR

A la tête du Conseil de la concurrence, Abdelali Benamour a livré, une interview exclusive à nos confrères de Medias24  riche en enseignements. Blocage totale de l’instance, attente de désignation des membres du conseil, rapports obsolètes, ce dernier témoigne avec une certaine amertume, de la situation actuelle.

VoIP, Hydrocarbures… l’incapacité du Conseil à réagir 
Première interrogation et premier constat alarmant. Interrogé sur l’inertie du Conseil de la concurrence sur des questions essentielles qui ont touché la société marocaine récemment, notamment la question de la VoIP, Abdelali Benamour explique que le Conseil est gelé « depuis trois ans ». « Tant que les membres du Conseil ne sont pas nommés, l’autorité ne peut rien faire », justifie-t-il. Un retard sur lequel le président du Conseil de fournit pas d’explications.  Contacté par Telquel.ma pour davantage de détails, il n’a pu être joint dans l’immédiat.

Pouvoir et autorité
L’adoption de la loi 20-13 relative aux attributions du Conseil de la concurrence a donné à ce dernier un réel pouvoir décisionnel en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et de contrôle des opérations de concentration économique. Jusqu’alors, le Conseil avait un rôle « purement consultatif », explique Abdelali Benamour. Et d’ajouter : « Cela nous a permis de nous faire la main.» Dans ses propos accordés à Medias24, Benamour revient sur ces années d’attente d’un nouveau texte de loi. Six années bloquées, selon lui par « des lobbies » qui agissent en dépit des « déclarations officielles. » Désormais, le responsable estime avoir à sa disposition « un bon texte, mais pas de Conseil », quand ironiquement, il possédait au préalable « un mauvais texte et un Conseil.»

Les équipes travaillent malgré tout
Soumis à une obligation de réserve, et interdit d’exercer une autre activité, Benamour dit vivre « très mal », la situation actuelle. Il botte en touche, lorsque la rédactrice en chef de  Medias24, Nabila Fathi, lui demande pourquoi il ne démissionne pas. En attente que le Conseil soit opérationnel à 100%, Benamour confie que ses équipes continuent à travailler malgré tout : « les gens continuent à nous demander notre avis », mais explique : « si (une) enquête est bouclée et que les membres ne sont pas encore nommés, il n’y aura aucune suite à cette enquête, parce que ce sont ces membres qui doivent valider le travail fait. » Le président du Conseil affirme qu’une trentaine de demandes ont ainsi été traitées, avec à la clé des « conclusions précises », en attente d’être validées. A terme, le responsable redoute une baisse de motivation certaine des membres de son équipe. « Quand il s’agit de deux ou trois ans, les gens baissent les bras », explique-t-il, en référence au blocage actuel de l’institution.

Consultations du gouvernement
Abdelali Benamour explique à nos confrères qu’en dépit des directives du texte de loi, indiquant que le gouvernement doit impliquer le Conseil dans l’élaboration de toute loi ayant un lien avec la concurrence, ce n’est actuellement pas le cas. « On ne peut même pas protester, à cause du même problème qui est l’inexistence des membres. Le gouvernement s’est habitué à la situation actuelle. Comme il n’y a pas de régulateur, il régule lui-même », explique-t-il.

Plus loin: L‘interview complète accordée à Medias24

Comment s’organise le Conseil de la concurrence ?

Les membres du Conseils de la concurrence sont nommés de la manière suivante : le président du Conseil est nommé par le roi, tandis que les 12 autres membres sont nommés par le Chef du gouvernement. Six membres représentent l’administration, Trois autres sont nommés en raison de leur compétence en matière juridique, économique et de concurrence. Et trois derniers membres sont choisis en raison de leur exercice et de leur expérience dans les secteurs de production, de distribution ou de services. Si pour le cas de ces trois derniers, ils sont nommés par le Chef du gouvernement, cela se fait sur proposition des Présidents de la Fédération des chambres de commerce, d’industrie et de services.
Le Maroc s’est doté d’un Conseil de la concurrence en 2009, mais ses pouvoirs étaient alors très limités. La nouvelle loi, adoptée en 2014, lui en donne davantage. Il peut maintenant s’autosaisir d’une affaire, et n’aura plus à attendre d’être saisi par le gouvernement. Les entreprises peuvent également l’interpeller. Il est aussi censé être obligatoirement consulté par le gouvernement sur les projets de texte qui imposent des restrictions quantitatives à l’accès à une profession ou à un marché, des monopoles, des prix uniformes, ou même qui octroient des aides publiques. Enfin, le Conseil de la concurrence, est doté d’un pouvoir décisionnaire : il peut désormais sanctionner les entreprises qui ne respectent pas la loi en matière de concurrence, après avoir mené son enquête.[/encadre]

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