Zakaria Boualem et la COP22

Par Réda Allali

Notre paisible contrée vient de nouveau d’enregistrer un glorieux succès avec l’organisation de la COP22. Il faut se réjouir sans la moindre réserve de cet exploit retentissant.

C’est ce que fait Zakaria Boualem, qui festoie avec acharnement depuis qu’il a appris que la bonne ville de Marrakech a été hissée au rang de capitale de la planète, de centre névralgique des décisions sur le futur de l’humanité. Oui, les amis, c’est une vraie bonne nouvelle. Il n’est pas question d’écologie, bien entendu, c’est un sujet qui ennuie profondément le Guercifi. Il est demeuré imperméable à la littérature sur le réchauffement climatique, il n’a pas l’âme assez élevée pour s’intéresser aux générations futures (à part la sienne, bien entendu). Non, il parle de la spectaculaire métamorphose de Marrakech. Il paraît qu’il y a désormais là-bas des vélos, des poubelles, des toilettes, et même — tenez-vous bien — un plan de bus. Personne n’y avait pensé avant. On raconte même que l’éclairage public est au niveau mondial, il y a de quoi avoir la tête qui tourne, convenez-en. On se demande s’ils ont conservé les m9adem, les certificats de vie, les actes de nika7 et autres vestiges du Moyen-âge à part dans un musée. C’est prodigieux. Il s’est trouvé, bien entendu, quelques esprits grincheux pour geindre sur les efforts consentis pour plaire à la communauté internationale. Il ne faut pas les écouter, ils ne sont jamais contents. Au contraire, il faut se féliciter du travail de nos responsables, que Dieu leur vienne en aide. Avant, on pensait que c’était impossible, on était convaincus qu’ils ne savaient pas faire ça. Maintenant, on a compris que c’est juste la volonté qui manque, et c’est tout de même un obstacle plus simple à franchir. Il faut désormais les persuader de faire du Maroc entier une zone bleue, du nom de celle qui accueille les invités les plus illustres de la COP22. Selon les infos du Boualem, ils ont déjà commencé à Tanger, qui dispose ­— toujours selon ses informations — d’un front de mer digne de ce nom et d’espaces de jeux pour les enfants. Bravo ! Permettez toutefois au Boualem de vous suggérer, avec tout le respect dû à votre rang, de vous intéresser à la bonne ville de Casablanca, s’il vous plaît, et merci.

Maintenant qu’on sait que tout dépend de leur bon vouloir, il faut les convaincre, et non pas les vexer. Il ne vous aura pas échappé, en effet, que Casablanca baigne dans les ordures avec insouciance. Seule la crainte de dégrader l’image du Maroc à l’étranger me retient de vous décrire, avec précision, le niveau de saleté que nous avons atteint (vous voyez, vous avons les mêmes priorités, nous sommes des amis). Je me contenterai d’évoquer les parallélépipèdes en métal, censés collecter les ordures, dont l’impact sur l’environnement urbain a été catastrophique (appréciez la mesure dans le choix des mots). Par ailleurs, je me permets d’attirer votre noble attention sur le fait que malgré son statut de ville côtière, nous n’avons accès à la mer que sur une misérable portion du littoral, le reste étant voué au béton ou tout simplement interdit d’accès. Quant aux espaces verts, il y en a deux à proximité de mon logis : le rayon légume de Marjane et le stade d’honneur, fermé. Vous avouerez que c’est très peu. Je voudrais bien vous parler de l’éclairage public et de l’état de nos trottoirs, mais j’ai peur que vous ne le preniez mal. Je pourrais bien entendu poursuivre la liste des aberrations urbaines de cette ville formidable pendant plusieurs heures, mais c’est une encyclopédie qu’il faudrait et non pas un magazine. Je compte donc sur vous pour nous tangériser ou nous marrakechiser, dans les mêmes proportions et à grande vitesse.

Et merci.

PS : Zakaria Boualem, alors qu’il s’apprêtait à vous saluer avec son élégance coutumière, apprend que Donald, le type à la moumoute qui veut construire un mur avec le Mexique, virer les musulmans et attraper les femmes par un organe 7achak que la décence m’interdit de nommer, est président des États-Unis. C’est désormais clair : nous avons basculé dans autre chose, les amis, tous ensemble, et c’est un sentiment puissant. Le Boualem est sans voix.