Benkirane et Akhannouch lavent leur linge sale par médias interposés

Abdelilah Benkirane dénonce un chantage de la part d’Aziz Akhannouch, qui veut placer ses pions au détriment de l’Istiqlal. Le patron du RNI monte à son tour au créneau en accusant son adversaire de vouloir salir l’image du parti. Une guerre politico-médiatique qui risque de bloquer les négociations pour la formation du prochain gouvernement.

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Aziz Akhannouch et Abdelilah Benkirane le 30 octobre à Rabat. Crédit : R. Tniouni / TelQuel

 

Les passes d’armes entre Abdelilah Benkirane et Aziz Akhannouch se succèdent par médias interposés.  Derrière les sourires de circonstance affichés devant les caméras le 30 octobre, jour des premières concertations, les deux hommes cachaient des désaccords de taille : le patron du PJD tient à former son gouvernement aux côtés de l’Istiqlal et le PPS, tandis que le tout nouveau chef du RNI conditionne sa participation au gouvernement à l’éviction de la formation de Chabat, au profit de l’Union constitutionnel, son nouvel allié, et du Mouvement populaire. En d’autres termes, Aziz Akhannouch veut ressusciter le fameux Wifaq watani (Entente nationale), cette vieille coalition créée par Driss Basri en 1993 pour faire barrage à la Koutla (composée de l’Istiqlal, du PPS et de l’USFP). Faute d’accord, les négociateurs déterrent la hache de guerre, faisant jaillir vieux et nouveaux conflits.

Je t’aime moi non plus

« Nous n’accepterons pas le chantage, ni les négociations collectives », voilà en substance le message qu’adresse Abdelilah Benkirane à Aziz Akhannouch dans une récente interview parue dans Akhbar Al Yaoum, faisant référence à la condition imposée par le patron du RNI. Le chef du PJD reproche aussi au ministre de l’Agriculture de s’être opposé, lors des négociations du 30 octobre, aux aides destinées aux couches démunies. Le président du RNI n’est pas au bout de ses peines, car l’état-major de l’Istiqlal, piqué au vif, décide à son tour d’entrer en guerre, allant jusqu’à attribuer la responsabilité politique du drame d’Al Hoceima à Aziz Akhannouch. Dans un article paru dans Al Alam, journal du parti de la balance, le ministre de l’Agriculture est ainsi accusé « de faire taire la presse au sujet de sa responsabilité à coup de publicités ».

Habitué à plus de discrétion, l’homme d’affaires et président du RNI se fend, samedi 5 novembre, d’un communiqué dénonçant ce tir groupé. « Dans le but de redorer leur blason et perturber le processus des négociations autour des coalitions, certaines parties se sont attaquées au RNI, en la personne de son président, en lui adressant des accusations infondées », indique le texte, précisant que « l’objectif de cette attaque est de coller au RNI l’image d’un parti qui s’oppose aux réformes sociales ». Sans citer Benkirane, l’homme fort du parti de la colombe enfonce le clou dans une déclaration donnée au site d’information Goud.ma : « Certains m’accusent de m’opposer à la réforme d’aide destinée aux pauvres afin de nous coller, au parti et à moi, une image négative, celle d’un parti qui s’oppose aux réformes sociales », lance-t-il, se disant favorable à toute réforme visant « d’une manière directe les couches démunies et marginalisées » . Qu’en est-il du « chantage » dont l’accuse le secrétaire générale du PJD ? « Le peuple n’a pas donné à Benkirane la majorité absolue mais la majorité pour constituer un gouvernement, et il doit respecter la volonté des électeurs », écrit Goud.ma, résumant les propos d’Akhannouch.

Vers le blocage ?

« Est-il normal de se séparer de l’Istiqlal alors que l’accord est confirmé ? Machi hchouma ? » s’interroge Abdelilah Benkirane, joint par Telquel.ma, balayant ainsi la condition du RNI. Réagissant au communiqué du RNI, le chef du gouvernement nous explique toutefois « qu’un problème a été réglé » : « Maintenant qu’il ne s’oppose plus aux aides directes destinées aux pauvres, on est d’accord. Mais on ne se séparera pas de l’Istiqlal », insiste-t-il. Sur fond de conflits, pour Benkirane le défi demeure celui de former une majorité en composant avec les nouvelles contraintes : un RNI qui fait la fine bouche, un Mouvement populaire qui se range désormais du côté du RNI et un USFP encore indécis. Ce qui est sûr, c’est que le PJD et ses alliés ne disposent que de 183 sièges, ce qui n’est pas suffisant pour constituer une majorité (198 sièges au bas mot). « Les Ittihadis sont d’accord pour participer au gouvernement mais Driss Lachgar n’a pas encore tranché », nous confie le chef du gouvernement. Dans un entretien accordé le 5 novembre à Al Ittihad Al Ichtiraki, le premier secrétaire du parti de la rose affirme avoir donné « un accord de principe » à propos de la participation de l’USFP au gouvernement. D’ailleurs, comme pour dissiper le doute sur le choix de son camp, le chef ittihadi a invité Abdelilah Benkirane à sa table à la cérémonie de mariage de son fils,  qui a eu lieu le 5 novembre, aux côtés de Habib El Malki, Hamid Chabat et Nabil Benabdellah. Tout ce qu’il faut comme sièges.

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