L’affaire Mouhcine Fikri vue par la presse étrangère

La presse étrangère s’est penchée sur la mort du marchand de poisson Mouhcine Fikri et sur les manifestations qui s’en sont suivies. Tour d’horizon.

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Si la plupart des titres étrangers se sont contentés de publier les contenus des dépêches faisant état de grandes manifestations au Maroc, suite au décès tragique de Mouhcine Fikri, ce marchand de poisson broyé le mécanisme d’une benne à ordures, le 28 octobre, d’autres se sont laissé tenter par une approche plus éditoriale.

Pied-de-nez aux événements tunisiens

Plusieurs médias ont rapidement établi un parallèle entre le drame d’Al-Hoceima et l’immolation du marchand de fruits et légumes, Mohamed Bouazizi, qui avait marqué le début du printemps arabe en Tunisie. The Guardian rebondit par exemple sur cette affaire en expliquant que la mort de Fikri, comme celle de Mohamed Bouazizi, « est devenue un point de ralliement de la colère contre les abus policiers, la corruption et une monarchie qui domine encore le Maroc. » Plus mesuré, le New York Times met aussi en avant « le potentiel symbolique » de ce décès et les manifestations qu’il a engendrées. La mort de Mohamed Bouazizi est évoquée par le quotidien américain comme « catalyseur des manifestations pro-démocratie du printemps arabe ».

Le journaliste Edwy Plenel, directeur et fondateur du site d’information Mediapart, explique de son côté que ce qui s’est passé, ce 30 octobre au Maroc, « évoque irrésistiblement le soulèvement pacifique du peuple tunisien contre l’injustice et l’impunité. »

De son côté, la journaliste du site OnOrient Mariane Roux explique : « Le Maroc a désormais son Bouazizi, il s’appelle Mouhcine Fikri. »

Le recul voulu par certains médias étrangers

Certains médias affichent, toutefois, plus de recul par rapport à cet événement. L’hebdomadaire Le Point titre ainsi « Mort de Mouhcine Fikri : attention au théorème de Bouazizi » et explique : « La mort de Fikri contraste avec l’annonce de l’installation de grandes usines. En septembre, Boeing a annoncé la création de 8 700 emplois dans la région de Tanger. Comme en Tunisie, il y a deux Maroc. » Et de nuancer les deux cas de figure : « Mohamed Bouazizi appartenait à la Tunisie de l’intérieur, celle qui est méprisée par Tunis depuis trop longtemps. Mouhcine Fikri appartenait au Rif. »

Une approche confortée par celle de la journaliste Leela Jacinto, qui explique sur le site d’information Slate : « Aujourd’hui, au Maroc, c’est dans le Rif que les taux de pauvreté, de mortalité maternelle et d’analphabétisme féminin sont les plus élevés et la croissance la plus lente. »

De son côté, le journal italien La Stampa évoque « le fantasme » de l’affaire Mouhcine Fikri. Le quotidien veut rester mesuré sur les événements en cours au Maroc : « L’auto-immolation de Bouazizi a reflété quelque chose qui était là depuis un certain temps, en sommeil, prêt à être divulgué à la première occasion. Nous verrons ce qui se passera dans les prochains jours et nous verrons surtout si le souverain sera, comme il l’a été jusqu’à présent, en mesure de contrôler sa colère avec des concessions et des réformes. »

Les faits, rien que les faits

Le site d’information Slate revient sur les circonstances du drame : « le décès de Mouhcine Fikri, tout aussi tragique, ne semble pas être un suicide. Le marchand de poisson a été happé par une benne à ordures alors qu’il tentait apparemment de s’opposer à la saisie et à la destruction de sa marchandise. » Conscients que de nombreux points restent en suspens dans cette affaire, Slate souhaite mettre la lumière sur ce qui s’apparente, en premier lieu, à un drame humain, plus qu’au début d’un supposé nouveau printemps arabe.

Le quotidien espagnol El País évoque également « beaucoup de confusion » autour de l’affaire Mouhcine Fikri, et semble l’un des seuls médias étrangers à évoquer le cas des nombreuses immolations constatées au royaume ces deux dernières années. Un marchand ambulant d’Agadir s’était notamment immolé par le feu, en février, pour protester contre une décision de justice de ne pas donner suite à une plainte qu’il avait déposée.

Quand le dessin satirique s’empare de l’affaire

Le dessinateur de presse Large a choisi, lui, de rebondir sur l’affaire, en mettant en parallèle le décès de Mouhcine Fikri et l’image de marque voulue par le Maroc, à l’approche de la COP22.

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