Zakaria Boualem et les intérêts suprêmes de la nation

Par Réda Allali

C’est un Zakaria Boualem plein d’allant qui vous accueille cette semaine, les amis. Globalement, tout va bien. Nous maintenons le cap et les lumières de la gloire nous tendent les bras, ce n’est qu’une question d’années tout au plus. Voici sans plus de formalités un petit récapitulatif des faits saillants de la semaine, compilés comme il se doit avec subjectivité et incohérence par le Guercifi grognon. Une bonne nouvelle pour commencer, elle est retentissante. Tenez-vous bien, il a fallu la débusquer celle-là : “Madame Leïla Fatmi, épouse de l’ambassadeur, représentant permanent du Royaume du Maroc auprès des Nations Unies à New York, a organisé, lundi à la Résidence du Maroc, une réception en l’honneur de Madame Yoo Soon-Taek, épouse du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon”. La dépêche évoque même “un grand buffet qui reflète la richesse et la diversité de l’art culinaire du Royaume”. Nous sommes donc en train de nous réconcilier discrètement avec notre ennemi via une brillante manœuvre de diplomatie féminine qui respecte à la fois nos coutumes ancestrales et nos intérêts nationaux. Et ça, c’est très beau. Zakaria Boualem ne se souvient pas très bien de ce qu’on reprochait exactement à cet homme, mais ça devait être grave puisqu’on lui avait demandé de hurler sa colère en pleine rue, un dimanche à Rabat. Il n’a malheureusement pas été convié à la réception de réconciliation. C’est encore une fois une belle image des relations du Boualem avec son pays : il est utilisé comme figurant, comme moyen de pression, et aussitôt oublié quand les moments agréables arrivent. C’est bien dommage, il se serait bien vu débattre avec Madame Ban Ki-moon du bien-fondé du prix Nobel de littérature attribué à Bob Dylan.

C’est notre second sujet de la semaine. Zakaria Boualem, pourtant observateur professionnel de la production nationale de polémiques, n’a pas vu venir celle-là. Il s’est trouvé en effet nombre d’internautes pour s’indigner de l’attribution de ce prix. On parle d’un homme qui, de l’avis de tous les spécialistes, a révolutionné l’écriture rock, qui a pesé sur son temps, et qui a été consacré depuis des décennies comme un “poète de l’oralité” hors normes. Insuffisant pour convaincre les amis du Guercifi, très méticuleux sur les critères de définition de la littérature et qui ont une idée de ce que doit être un prix Nobel, plus précise que le jury du prix lui-même. Soit. Ceci n’est pas important, en fait. Ce qui compte, c’est de continuer à pouvoir compter sur des Marocains fiers de leur pays, capables de se sacrifier pour assurer sa noble avancée.

C’est le cas de Monsieur Chabat, que Dieu lui vienne en aide. En 2013, il accusait Monsieur Benkirane de porter en lui une lourde malédiction capable de provoquer des inondations en République Tchèque et des incendies en Turquie, ce n’est pas rien. Aujourd’hui, il lui fait des bisous, au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Ce faisant, il risque de se retrouver maudit lui aussi, frappé par une météorite ou emporté par un aigle de l’Atlas. Mais il n’a pas peur, l’homme, de risquer sa vie pour son pays. De son côté, Monsieur Benkirane a longtemps traité Monsieur Chabat de voleur de milliards, mais il lui rend aujourd’hui ses bisous. Si vous trouvez cela bizarre, c’est que vous n’êtes pas un vrai patriote, c’est tout. Si vous pensez qu’on se fout de votre gueule, dites-vous que c’est partout pareil, sauf en Syrie où c’est pire. Et si vous n’êtes toujours pas convaincu que tout va bien chez nous, alors vous êtes un boulet pour ce pays. Vous ne comprenez rien à l’intérêt supérieur de la nation. C’est de votre faute, tout est de votre faute. La saleté dans les rues, l’abstention aux élections, la lenteur de l’administration, la violence dans les stades, les accidents de la route, l’analphabétisme, les hôpitaux affreux, c’est vous. Inspirez-vous un peu de nos leaders et le pays ira mieux, et merci.