À Derb Mila, «Mika» est désormais négociée au prix fort dans le marché noir

Environ trois mois après l’entrée en vigueur de la loi interdisant la vente des sacs en plastique, les vendeurs de gros se plaignent des pertes financières qu’ils subissent et surtout du marché à deux vitesses profitant à certains, qui continuent de vendre des sacs en plastique « sans être inquiétés par les autorités ».

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Photo d'illustration. Crédit: Y. Toumi/Telquel

Lundi, vers 11 h. Les anciens commerçants de sacs en plastique de Derb Milan, à Casablanca, accueillent leurs premiers clients venus acheter des sacs en papier ou en tissu. Ces substituts n’égalent pas en volume de vente la fameuse Mika, qui a fait la notoriété de ces grossistes. « Un sac en plastique nous revient entre 5 et 10 centimes alors qu’un sac en papier nous coûte entre 25 et 30 centimes », nous explique, Hicham, un commerçant reconverti. « Je ne peux pas vendre un yaourt sur lequel je gagne 10 centimes dans un sac en tissu qui coûte 30 centimes », résume, exaspéré, un propriétaire d’épicerie, venu s’approvisionner.

Crédit Yassine Toumi
Crédit : Yassine Toumi

De leur côté, les consommateurs préfèrent utiliser plusieurs fois un sac en tissu ou même s’en passer lorsqu’ils peuvent transporter eux-mêmes leurs achats. Une bonne nouvelle pour l’environnement, mais pas pour les vendeurs qui écoulent moins de sacs en papier. Une réalité d’autant plus pesante pour les commerçants, lorsque l’on sait qu’une « une catégorie de sacs en papier, destinée à l’emballage des fruits secs, se vendait à 70 dirhams le kilogramme avant l’interdiction et son prix a grimpé, depuis, à 200 dirhams ».

Rachid, un autre commerçant, nous explique que malgré l’interdiction, plusieurs clients viennent lui demander des sacs en plastique. Une demande qui n’est pas illégale puisque les sacs destinés à la congélation ou au tri des déchets sont toujours autorisés à la vente. D’autres commerces, eux, sont clairement dans l’illégalité et vendent encore des sacs en plastique. « Des commerces qui disposaient encore de sacs en plastique au moment de l’application de la loi se sont engagés à arrêter d’en distribuer une fois leur stock écoulé. Cela n’a pas empêché le marché d’être encore alimenté par les vendeurs au noir ». Problème, « ces sacs sont de très mauvaise qualité. Et certains l’utilisent pour les repas rapides dans les snacks », poursuit-il. Un tour rapide dans les magasins de la capitale économique permet de constater que les sacs en plastique continuent à circuler, au nez et à la barbe des initiateurs de la campagne « Zéro Mika ».

Tout cela se déroule à l’abri du regard des autorités. Ceux qui vendent encore des sacs en plastique ne les stockent pas dans leurs commerces. «Ils ont des dépôts spéciaux. Une fois la vente terminée, ils se déplacent pour donner la marchandise à leurs clients», nous raconte, Hamid, qui tient avec Rachid le commerce. Et il apparaît que cette vente est très rentable. «Les sacs de très mauvaise qualité qui se vendent actuellement coûtaient 19 dirham le kilogramme, ils son désormais vendus à 30 dirhams le kilogramme». Un commerce de taille moyenne peut vendre facilement 500 kilogrammes par jour et atteindre des pics de trois à quatre tonnes par jour. « Faites le calcul vous-mêmes », déplore un Hamid résigné. On l’a fait : Cela peut donc représenter jusqu’à 120 000 dirhams par jour, à en croire donc ce commerçant. Un chiffre énorme mais impossible à vérifier.

Crédit Yassine Toumi
Crédit Yassine Toumi

Une situation qui suscite la colère chez les commerçants. « Soit tout le monde vend les sacs en plastique soit personne n’en vend. Cette situation est injuste et intenable » fulmine Rachid qui espère que l’État « procédera à un allègement ou une exonération sur l’importation du papier » afin de créer une concurrence qui permettra d’alléger les prix des précieux contenants.

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Crédit Yassine Toumi
Crédit Yassine Toumi

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