Coworking : Des bureaux pas comme les autres

En plus de mutualiser les charges et le loyer, les espaces de coworking proposent au travailleur, indépendant ou salarié de startup le plus souvent, d’intégrer une communauté et de profiter d’un réseau. Au Maroc, même s’il séduit, le modèle se cherche encore.

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Crédit: 7ay
Crédit: 7ay

« Chez soi, on a davantage tendance à la procrastination, on peut rester en pyjama toute la journée », reconnaît Hanane, coworkeuse de l’espace 7ay, dans la zone industrielle de Rabat. Elle aurait très bien pu choisir l’option, classique, de la location de bureau ou du “business center”. Mais elle a finalement opté pour le coworking. Le principe : louer un espace de travail au mois (entre 2000 et 2500 dirhams), à la journée, voire à la demi-journée, pour profiter d’un bureau, d’une connexion Internet, d’une imprimante, d’une salle de réunion… et d’une ambiance. Les espaces de coworking proposent tous une place en open space, certains offrent aussi des salles indépendantes. Une petite dizaine de ces espaces existe dans les principales villes du Maroc.

Crédit: Rachid Tniouni
Crédit: Rachid Tniouni

« N’est pas coworker qui veut »

« C’est plus professionnel d’accueillir des clients ici que de leur donner rendez-vous dans un café » nous explique un membre de l’équipe du New Work Lab, de coworking à Casablanca. Autre avantage indéniable : le réseau et l’entraide. Ici, on partage l’espace mais aussi la connaissance. Comme nous l’explique Ilham Halib, cofondatrice de 7ay, les coworkeurs peuvent collaborer sur des projets, ou simplement s’échanger des services, contre facturation ou non. « On profite des talents de chacun. On se doit une assistance mutuelle », reconnaît même Yasser, créateur d’une agence digitale et coworkeur à 7ay. « C’est le meilleur moyen de se faire des contacts. Travailler seul dans un bureau individuel ou à la maison complique beaucoup l’intégration professionnelle de l’entrepreneur », nous explique Diego Morales, de Euroquia, structure basée à Tétouan qui aide les entreprises marocaines à s’internationaliser en Espagne et vice-versa. Il prévoit de monter son propre espace de coworking d’ici peu: « Il est prouvé qu’exercer dans un environnement de travail partagé augmente la concentration ».

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À Casablanca, le New Work Lab (NWL), lancé en 2013, accueille plutôt (sans être sélectif) des startups en lien avec les nouvelles technologies. Alors que 7ay, à Rabat, se veut généraliste en accueillant architectes, communicants, ingénieurs… S’il n’y a pas de profil type du coworkeur, il est en général assez jeune. Mais attention, Yasser met en garde : « N’est pas coworkeur qui veut ». « Si la personne a peur de se faire copier, il ne faut pas qu’elle vienne ici. Open innovation et secret, c’est un oxymore. Dans un business center, tu peux louer 30 mètres carrés, cela correspond mieux à la psychose du secret », explique Issam Ourrai, cofondateur de Creative Box, à Casablanca. « Avec certaines personnes, on voit dès le premier jour que cela ne va pas marcher » ajoute-t-il. Autre limite au coworking : le calme absolu ou l’accès 24 heures sur 24 au bureau. Aussi, quand l’équipe de la startup grandit, elle doit parfois dé- ménager, à l’image de l’application de chauffeurs Uber, par exemple, installée dans un premier temps au NWL.

Une rentabilité à trouver

 Si les espaces de coworking attirent de plus en plus, le modèle se cherche encore. Certains ouvrent, d’autres ferment, comme Insane, le premier à avoir ouvert dans le pays. « C’est un peu difficile en ce moment. Quand on veut rester indépendant, c’est quasi impossible à faire fonctionner. On ne voit pas l’avenir tout rose, on va peut-être passer au tout virtuel », se demande Issam Ourrai. “Ce n’est pas rentable”, reconnaît honnêtement la créatrice du NWL, Fatima Zahra Biaz, qui remarque : “En France, c’est la ville de Paris qui s’en est d’abord chargée. Là-bas, la demande est plus importante, puisqu’on manque d’espace, et l’esprit d’entreprendre est plus ré- pandu”. Et d’estimer : « Tous les modèles sont à repenser ». Ces espaces cherchent d’autres sources de revenus. Le NWL s’investit dans les événements, la mise en place d’une académie et l’ouverture d’un nouveau centre à Khouribga. Tout comme 7ay, qui réussit à être rentable grâce à son activité événementielle (team building, séminaires…), qui financera même son futur incubateur. À Casablanca, Housni Zbaghdi croit en un modèle de financement totalement différent. Elle est en train de monter sa “coworkcrèche”, où des femmes pourront venir travailler gratuitement tout en ayant leur enfant à côté, encadré par des professionnels de la petite enfance. Un moyen de répondre au sentiment d’isolement de certaines mamans. « Ce ne sera pas un lieu uniquement pour les freelances ou les gens en recherche d’emploi. Toutes les femmes pourront venir, après un burn-out, pour se ressourcer par exemple. Elles pourront suivre des activités de développement personnel, de mentoring, des cours de financement de projet… » L’idée : les premières années, financer le projet par des bailleurs de fonds, et ensuite, « les anciennes membres pourront payer en différé, pour financer le parcours d’autres femmes ».

Crédit: 7ay
Crédit: 7ay

 

Tous ont été montés par des Marocains ayant découvert le coworking en Europe ou en Amérique du Nord. Le concept est-il une création occidentale ? Ils s’en défendent. « Le coworking, ce n’est rien de plus que les fondouks », estime Yasser Monkachi, de 7ay. « C’est juste qu’on y revient après un passage par quelques dizaines d’années d’individualisme », conclut Ilham Halib

 

Article publié dans le numéro 712 de TelQuel datant du 8 avril 2016. 

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