Ludovic-Mohamed Zahed : « Les gays musulmans sont la meilleure réponse aux fascismes »

Ludovic-Mohamed Zahed, militant homosexuel musulman, décrypte l'attentat d'Orlando et sa récupération par les politiques.

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Ludovic-Mohamed Zahed est théologien, musulman et homosexuel. Il est l’auteur, entre autres de Le Coran et la chair. Ce franco-algérien est le créateur de l’association Homosexuels musulmans de France et d’une « mosquée inclusive ». Il réagit ici à l’attentat d’Orlando, perpétré le 12 juin et qui visait un lieu prisé par la communauté gay. Selon lui, un fossé se creuse entre les minorités gays et musulmanes en Occident. Un fossé qui ravit ceux qu’il appelle « les fascistes des deux bords ».

Telquel.ma : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris pour les attentats ?

Ludovic-Mohamed Zahed : J’ai été très peiné. Toutes mes prières ont été pour les familles des victimes. Puis, je me suis dit que cet attentat allait encore participer à diviser les gens, les communautés…

Vous pensez notamment aux gays et aux musulmans ?

Bien sûr. Le fossé se creuse toujours plus, aux États-Unis comme en Europe. On sait qu’aujourd’hui, en France, environ 30% des couples d’hommes gays mariés votent pour le Front national (d’extrême droite et islamophobe, ndlr). Un repli qu’on appelle « homonationalisme ». Ce mouvement stigmatise l’islam et les musulmans comme les pires ennemis des homosexuels, ce qui est, historiquement, une idée totalement erronée et aisée à démonter. En face, le discours est le même, simplement inversé. Daesh est d’une islamophobie délirante. Les deux discours se répondent. Ils visent des minorités, ils les frappent et les accablent pour mieux mettre au pas la société dans son ensemble. Mais mieux, dans ce cas précis, ils s’alimentent l’un l’autre.

Selon vous, les musulmans homosexuels sont les plus légitimes mais aussi les moins écoutés ?

Nous, homosexuels et musulmans, sommes doublement marginalisés, mais nous pouvons de ce fait être en avant-garde. Nous savons très bien comment fonctionne la discrimination. Nous sommes la meilleure réponse à des fascismes qui essaient d’instrumentaliser une des deux communautés. Bien sûr, nous sommes toujours difficilement accueillis. En France, ça a été une grosse partie de notre activisme, avec l’association Homosexuels Musulmans : aller à la rencontre des deux communautés, leur conseiller de dialoguer, leur rappeler, qu’au fond, ils partagent des ennemis communs : les fascismes de tout acabit.

Ces logiques dépassent aujourd’hui les frontières de l’Occident ?

Oui. Lors d’un voyage que nous avions organisé en Israël et en Palestine, nous avons vraiment pu vérifier tous ces faits. D’un côté, dans une stratégie dite de « pinkwashing », les gouvernements de la droite sioniste affirment qu’ils sont des défenseurs des gays, pour mieux faire oublier leur politique et dénigrer les Palestiniens. De l’autre côté, de nombreuses organisations palestiniennes exigent des gays qu’ils prouvent plus qu’un autre leur « arabité », leur soutien à la cause. En Tunisie, les militants sont souvent confrontés à ce problème : homosexuels, ils sont accusés d’être des impérialistes de la sexualité qui « occidentalisent » les pays musulmans, ils sont pointés du doigt comme des arriérés en Occident et une certaine élite…

 

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