Zakaria Boualem et le changement d’heure

Par Réda Allali

Les amis, l’heure est grave. Nous avons de nouveau foiré un changement d’horaire, un de plus. Zakaria Boualem est atterré.

Il se souvient parfaitement que, déjà en 2011, nous avions échoué dans cette délicate mission, il s’était alors dit que nous avions plus de facilité à changer de constitution que d’horaire. Cinq ans plus tard, donc, nous en sommes au même point, lamentablement mis en échec devant cet obstacle technologique. Vous savez tous de quoi il s’agit, c’est d’une déprimante banalité. Des téléphones qui, dès le samedi, affichent avec une journée d’avance la nouvelle heure, des réveils qui sonnent n’importe comment, une confusion générale, et surtout – grande première cette année – des candidats au baccalauréat qui se pointent benoîtement avec une heure de retard et qui loupent les épreuves. Une session de rattrapage est prévue pour eux, il est possible qu’il s’agisse d’une première mondiale. On va finir dans les rubriques “Insolite” de tous les sites pourris qui recensent les plantages les plus glorieux de la planète. Zakaria Boualem ne connaît pas l’équivalent en français de la notion de tbahdila, vous allez donc devoir vous contenter de la version originale, et merci.

Étrangement, la répétition des bugs au fil des années n’a pas généré de prise de conscience, ou permis de développer une expertise dans ce domaine à haute technicité. Au contraire, nous avons fini par nous habituer à cette incompétence, nous l’avons intégrée avec philosophie, nous avons acheté des montres avec des aiguilles, et sorti des placards le réveil avec le poulet qui picore. Zakaria Boualem refuse ce fatalisme, c’est une question d’amour propre. Il nous faut nous révolter. Il réclame le gel de tous les grands projets de ce pays tant que nous n’arrivons pas à changer d’heure dans l’ordre et la dignité. Rangez vos TGV, vos demandes d’organisation de la Coupe du Monde, et surtout vos projets de centrale nucléaire, et organisez-nous ce changement s’il vous plaît, c’est tout ce qu’on vous demande. Faites venir des spécialistes, des cabinets suisses, téléchargez des tutoriels où un Gunter quelconque explique comment il faut faire, mettez en place des commissions et qu’elles se penchent d’urgence sur cette affaire, c’est une question d’orgueil national. Nous nous sommes habitués au grotesque, c’est une perspective effrayante. Nous avons abandonné l’espoir d’une éducation haut de gamme pour tous, même chose pour un système de santé, nous avons de moins en moins d’espoir de voir une justice correcte et une police réellement au service du citoyen, il ne faut donc pas lâcher l’affaire sur les changements d’horaire, c’est très important.

Sans la moindre transition, cette information étonnante, qui précise que Loubna Abidar est pressentie pour jouer dans le nouveau film de Michael Haneke, un Autrichien dont la liste des distinctions ne sera pas décrite ici, l’espace étant réduit. Bon. Un collègue du Boualem s’est aussitôt insurgé, un bonhomme qui a pour particularité de collectionner les postures agressives lorsqu’il estime que l’honneur de la patrie est en jeu, et qui adore, entre deux téléchargements de vidéos pour adultes, donner des leçons de morale à tout le monde. En l’absence d’une équipe nationale digne de ce nom, capable de transcender les clivages, le Boualem ne partage quasiment rien avec cet individu, à part un open space et un passeport vert. Lorsque Loubna Abidar avait été nominée aux César, ce triste sire avait estimé que c’était un complot français, même chose à la lecture des nombreuses critiques positives sur sa prestation. À présent, il est convaincu que l’Autrichien se trompe, tout simplement. Tout le monde s’est trompé, donc, sauf lui, qui n’a pas vu le film bien entendu. C’est formidable, il n’y a rien à ajouter, et merci.