Ta vie en l'air. Nuit blanche

Par Fatym Layachi

Ce soir, tu es crevée. Tu as passé la journée à n’avoir qu’une seule hâte : rentrer chez toi. Tu as passé la journée à rêver de retirer tes talons, d’enlever ton mascara et ton sourire, de te mettre sous la couette et de te coucher.

Tu n’as envie ni de sortir, ni de voir du monde et encore moins de discuter. Sur la route, tu passes récupérer quelques DVD, tu as des épisodes en retard sur ta série du moment et tu rentres sans même te demander quelle soirée, quel vernissage ou quel garçon pourrait te divertir. Enfin chez toi. Tu te démaquilles et te réfugies dans un sweat à capuche. Tu te fais même une tisane. C’est dire à quel point tu n’as envie de rien. La sonnerie de ton téléphone t’agace. Tu ne réponds à personne. Tu ne sais pas trop ce qu’il t’arrive, mais tout te saoule aujourd’hui. Il est 21 heures 15, tout a l’air en place. Tu es prête à aller te coucher. Tu te trouves tellement raisonnable, c’est rare. La télécommande à tes côtés, une bouteille d’eau sur la table de nuit et ton téléphone sur silencieux, tu peux démarrer le premier épisode. Tu es ravie de retrouver tous ces personnages, mais tu espères t’endormir en les écoutant.

Tu regardes ces vies parfaites ou intrigantes pour tenter de ne pas penser à la tienne. Tu te sens un peu triste tout d’un coup. Pourtant il n’y a pas de raison particulière. Il ne s’est rien passé de particulier. L’épisode se termine, générique de fin, tes yeux sont grands ouverts. Tu n’as pas du tout sommeil. C’est normal, il est tellement tôt. Allez un deuxième. Puis un troisième. Il est de moins en moins tôt. L’heure tourne et tes yeux ne se ferment pas. Tu n’as plus du tout sommeil. Tu reprends ton téléphone, tu lis tes whatsapp et scroll les fils d’actualité de tes réseaux sociaux. Tu rêvais d’une nuit de sommeil bienfaiteur, d’une soirée de repos, d’être totalement déconnectée. C’est de moins en moins le cas. L’heure tourne. 23 heures 45, l’intrigue de la série se corse et toi tu n’as toujours pas sommeil. Ce n’était peut-être pas une si bonne idée, la télé pour s’endormir. Tu éteins tout. Tu essaies de trouver les bras de Morphée pour t’y effondrer. Tu ne te sens pas très bien. Tu angoisses. Tes yeux sont écarquillés, tu regardes le plafond. Tu vois défiler des images et forcément ce ne sont pas les enchantées qui te hantent. Tout y passe. Tu te mets à penser à tes parents. Tu t’en veux de ne pas les voir plus souvent. Tu culpabilises. Tu revois toutes ces soirées où tu papillonnes. À quoi bon ? Qu’y as-tu gagné ? Et tous ces gens qui t’entourent, seraient-ils là les soirs sans fête ?

Tu te sens vide et seule. Tu aimerais te raccrocher à n’importe quoi. Tu penses à Lui. Et si tu Lui envoyais un message ? Tu prends ton téléphone. Il est minuit et demi. C’est forcément une mauvaise idée. Et comme tu n’as bu que de la tisane, tu ne peux même pas faire semblant de ne pas t’en rendre compte. Tu rallumes la télé et essayes de t’hypnotiser face à la lumière de ton écran. Tu as le choix entre des rediffusions d’émissions débiles, des films dont tu essaies de deviner la fin ou les mêmes infos en boucle et en continu. Tu zappes compulsivement, juste pour faire passer le temps et ne pas te retrouver dans le silence. Tu rêverais presque d’avoir la tête qui tourne. Ce serait plus simple. Ça aurait l’air moins vide. Tu attends que le jour se lève. Demain rien n’ira mieux. Alors demain tu sortiras, c’est finalement bien plus facile que de rentrer seule et sans maquillage.