Zakaria Boualem et l'abominable affaire des homosexuels de Beni Mellal

Par Réda Allali

Les amis, la construction du Maroc Moderne vient de connaître une semaine difficile, c’est notre observatoire penché qui vous le dit. Ça a commencé avec l’annonce flamboyante de l’interdiction des ultras de nos stades. Vous savez, ces braves jeunes gens un peu turbulents qui agitent des drapeaux et qui montent des tifos pendant les matchs. Eh bien, Zakaria Boualem a appris en début de semaine dernière que, n’ayant aucune existence juridique, ils avaient été dissous par nos autorités compétentes. Il faudrait nous expliquer comment on peut dissoudre quelque chose qui n’existe pas, c’est un véritable problème de chimie organique.

Puis est arrivée, plus tard dans cette même semaine, l’abominable affaire des homosexuels de Beni Mellal. Vous savez sans doute de quoi il s’agit. C’était tristement prévisible. A force d’expliquer aux Marocains qu’ils devaient compter sur eux-mêmes et uniquement sur eux-mêmes pour leur éducation et leur santé, à force de leur répéter qu’il fallait qu’ils se lancent dans l’associatif à corps perdu pour développer le pays, certains ont sincèrement pensé que la police et la justice relevaient également de leurs prérogatives. Une poignée de héros de la morale publique a donc estimé légitime d’envahir l’appartement d’un individu pour le surprendre avec son amant. Ils ont ensuite roué le couple de coups avant de l’exhiber en pleine rue. Fiers de leur exploit, ils ont filmé l’opération pour la poster sur les réseaux sociaux, convaincus qu’ils étaient de la noblesse de leur comportement. La justice, parfaitement en phase avec ces représentants de l’âge des ténèbres, a ensuite pris le relais et condamné l’un des homosexuels à de la prison ferme, deux des agresseurs, de leur côté, écopant de sursis.

Tout est affreux dans cette histoire. Et encore, avec les images c’est encore pire. C’est affreux, mais c’est terriblement logique. Parce que nous refusons de faire un choix clair entre le respect de la liberté individuelle et un Code pénal qui s’occupe de notre vie sexuelle. On ne peut pas à la fois signer à tour de bras des conventions internationales qui protègent la vie privée de l’individu et pondre des codes pénaux qui prétendent la codifier. Et pourtant, nous l’avons fait, froidement. Cette sympathique attitude, qui consiste à se prétendre tout et son contraire selon l’ambiance et les intérêts ponctuels est arrivée à sa limite, les amis. Il faut choisir. Il fut un temps où le Marocain, dans sa grande intelligence sociale, détournait le regard devant ce qui lui déplaisait. Après tout, nous sommes le peuple qui a inventé le brillant concept de “ragued”, une explication surnaturelle pour les grossesses un peu bizarres. Exemple. Une veuve est enceinte ? C’est tout simplement le fruit de l’union avec son mari, endormi des années dans son ventre et qui vient de se réveiller. Voilà ce qu’est le ragued, une belle manière de sauver la face. C’était avant. Aujourd’hui, la police des mœurs est en tournée permanente, elle se paye une bonne conscience et un statut de héros à bas prix, à coups de lynchages faciles. Et pour finir, elle se présente devant l’opinion publique sans crainte d’être ramenée à la raison, celle-ci n’est plus à la mode, elle a quitté notre planète depuis quelques années… Au final, c’est une injustice de plus. Parce que la scène qui s’est déroulée dans un quartier populaire à Beni Mellal est impensable dans un quartier plus huppé. La liberté individuelle est fonction des revenus, c’est une cruelle réalité.

Voilà les amis, c’est un Zakaria Boualem un peu amer qui vous souhaite une bonne semaine, et merci.