Loi Hakkaoui. Un pas en avant, deux pas en arrière?

Une nouvelle mouture du projet de loi contre les violences faites aux femmes, recalé en 2013, a été adoptée par le gouvernement. Retour sur un texte qui a longtemps joué les arlésiennes. 

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Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social Crédits Photos : Rachid Tniouni

Enfin! Serions-nous tentés de dire. Le projet de loi sur la lutte contre les violences faites aux femmes ressort des tiroirs, après avoir été recalé en 2013 par Abdelilah Benkirane. La raison? Il était critiqué par les militantes féministes comme par les conservateurs. Une nouvelle mouture a donc été déposée adoptée par le gouvernement le 17 mars dernier. Élaboré par le ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, avec l’apport du ministère de la Justice et des libertés, la nouvelle mouture ne convainc toujours pas les associations féministes.

Quelques avancées…

Le nouveau texte comprend des aspects positifs: il contient un préambule, des structures plus adéquates, une définition, des sanctions plus sévères. En somme, la structure globale du texte est valable, réagit Nouzha Skalli, après une première lecture du projet de l’avant-projet. L’ex-ministre, par ailleurs membre fondatrice de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), note en particulier les références, dans le préambule, à l’article 19 de la Constitution (qui consacre l’égalité et la parité) ainsi qu’aux conventions internationales que le Maroc a ratifiées. Autre avancée, le harcèlement sexuel y est mieux défini que dans le Code pénal et les sanctions prévues sont plus sévères. Ainsi, de nouveaux dispositifs viennent compléter l’article 503-1 du Code pénal traitant du harcèlement sexuel, puisqu’y figurent dorénavant le harcèlement sexuel sur la voie publique, l’envoi de courriers (y compris des textos) suggestifs ou encore le harcèlement dans le cadre du travail. C’est une nouveauté, le texte criminalise le mariage forcé. Un crime passible d’une peine de 6 mois à un an de prison assortie d’une amende de 5000 à 50 000 dirhams. L’avant-projet prévoit également des instruments de prise en charge des femmes victimes de violences. Des commissions locales, régionales et nationales seront créées pour répondre à ce besoin.

…et des lacunes

Mais à la lecture du texte, les militantes féministes et les défenseurs des droits des femmes, qui avaient déjà critiqué la première mouture, risquent de rester sur leur faim. Ainsi, Nouzha Skalli juge la définition de la violence à l’égard des femmes “non conforme à celle utilisée dans la déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes, établie par les Nations Unies”. Car celle-ci englobe plus largement les actes de violence, mais également la menace de tels actes.

De même, la criminalisation du viol conjugal, longtemps réclamée par les ONG des droits de l’homme, n’est toujours pas abordée. Pire, la pénalisation du vol entre conjoints, incluse dans la mouture de 2013 et qui avait été critiquée par certains conservateurs et islamistes, a disparu du projet de loi. Enfin, les associations féministes reprochent à nouveau à Bassima Hakkaoui d’avoir adopté une “approche participative biaisée”. “Nous souhaitions participer pleinement à l’élaboration du projet. Or, cela n’a pas été le cas. L’approche participative se limite, pour Madame la ministre, à ce que les associations féministes lui envoient des mémorandums”, regrette une militante. La balle est désormais dans le camp du parlement qui devra voter, ou pas, le nouveau texte.

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