Edito. La force du droit

Par Aicha Akalay

Ban Ki-moon a “dérapé”. Ce jugement sévère du Maroc sur le secrétaire général des Nations Unies, après sa visite à Tindouf et à Alger les 5 et 6 mars, a fait le tour du monde. Quand le diplomate sud-coréen évoque “l’occupation” du Maroc au Sahara, il prend position. Et Rabat ne peut se taire. La diplomatie marocaine – celle qui travaille sur le dossier du Sahara sans changement de mandat - déroule un argumentaire clair qui se veut ancré dans le droit international. Ban Ki-moon n’est ni un ami ni un ennemi du Maroc. Surtout, il n’est pas un acteur du dossier, au mieux est-il un facilitateur. Tant que le patron de l’ONU respecte les paramètres de sa mission, le Maroc l’assure de sa pleine coopération. Mais s’il les dépasse, le royaume n’entend pas se laisser faire. Penser que la diplomatie marocaine n’agit que par des coups de menton serait inexact. Il ne s’agit pas de fustiger le secrétaire général des Nations Unies par plaisir ou pour l’humilier. Sur ce dossier, notre diplomatie espère faire entendre la voix de la raison et celle du droit.

Pour cela, encore faudrait-il pousser la logique jusqu’au bout. A l’international, il s’agit de droit. Mais en interne, c’est toujours la même rengaine propagandiste. Quand les médias se font le relais des positions officielles, ils accolent toujours les qualificatifs de “chimérique” et “fantoche” à la RASD. Qui cherche-t-on à convaincre? Ce champ lexical dédaigneux, insultant, ne parle pas à la raison du peuple marocain. Il n’a pour seule ambition que de galvaniser la foule. Pour l’opinion internationale, et surtout pour les Sahraouis indépendantistes, il y a là quelque chose d’incompréhensible. Où est la vérité du Maroc: dans sa volonté de s’inscrire dans le respect du droit international ou dans sa propagande insultante, qui trahit un manque de considération profond pour ses contradicteurs?

Il faut se rendre à l’évidence, le Maroc ne gagne pas la guerre des cœurs sur le dossier du Sahara. Si Ban Ki-moon parle « d’occupation » c’est, explique-t-il, parce qu’il éprouve de la sympathie pour ceux qui souffrent à Tindouf. Il est évidemment sensible à leur désir de “revenir chez eux”, avec un système de gouvernance qu’ils auront choisi. Dans la tête du secrétaire général de l’ONU, nul doute que doit résonner la maxime de Thucydide, “Les forts font comme ils l’entendent et les faibles souffrent comme il se doit”. La question fondamentale n’est pas de donner raison ou tort à Ban Ki-moon, son mandat s’achève en décembre prochain. Ce qui se joue est plus concret: comment persuader les Sahraouis, même les indépendantistes parmi eux, que leur avenir peut être meilleur au Maroc?

Si l’on veut convaincre, il faut commencer par écouter les objections de bonne foi. Ce qui frappe dans Les enfants des nuages de Javier Bardem, un documentaire certes partisan, qui donne la parole aux Sahraouis hostiles au Maroc, c’est le premier argument opposé au royaume: la condition des femmes. A l’écran, Aminatou Haïdar met en avant “l’exception du statut de la femme sahraouie dans la région, qui jouit d’un grand respect”. Ce qui, ajoute-t-elle, “donne la garantie de construire un état démocratique”. L’argument est bien sûr instrumentalisé, mais il fait mouche. La grandeur du Maroc serait de ne pas le balayer. Pendant longtemps, notre pays a délaissé la question des droits de l’homme, au nord comme au sud. Aujourd’hui que cette question est mieux intégrée par les autorités, il faut aller plus loin. Pour mener un combat et avoir des chances de l’emporter, il faut un idéal. Le nôtre doit être l’Etat de droit.