Moulay Hafid Elalamy a-t-il bénéficié d'un "cadeau" d'Akhannouch?

Saham Assurances décroche un marché avec l’État. Ce qui ravive la polémique autour de Moulay Hafid Elalamy ministre de l'Industrie et également patron de la compagnie d'assurances.

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Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du commerce et de l’économie numérique est à nouveau au cœur d’une polémique à cause du récent marché octroyé par le ministère de l’Agriculture dirigé par Aziz Akhennouch, à sa compagnie d’assurances Saham. Cette dernière a signé une convention tripartite avec le ministère de l’Agriculture et celui des Finances pour la mise en place d’un nouveau produit d’assurance « Taemine Al Mahssol ». « Ce produit a pour objet de garantir les récoltes contre un ensemble de risques climatiques, et ce dans l’ensemble du Royaume », peut-on lire dans le communiqué publié à l’occasion. Il a pour objet de garantir les récoltes céréalières, légumineuses alimentaires et oléagineuses contre un ensemble de risques climatiques comme la sécheresse, l’excès d’eau, la grêle, le gel, le vent violent et le vent de sable. Saham Assurance compte cibler tous les agriculteurs concernés dans tout le royaume et quelle que soit la taille de leur exploitation.

Un marché qui se chiffre en milliards

A peine le communiqué a-t-il été diffusé que la sphère économique s’est insurgée contre le conflit d’intérêt. Le député USFP  Mehdi Mezouari s’est exprimé ouvertement en dénonçant le « cadeau » offert par Aziz Akhennouch à son collègue au gouvernement. Ce qui attise la polémique, c’est que ce produit est subventionné. Autrement dit, l’État contribue au financement de cette offre à travers une subvention qui peut atteindre 90 % de la prime. Un marché en or pour Saham.

«Ce sont des réassureurs à l’étranger qui assurent ce risque», nous affirme un proche du dossier. Saham Assurances fait appel au réassureur Swiss RE. En réponse à cette polémique le groupe Saham soutient qu’il a été l’initiateur des négociations. « Saham Assurance a manifesté son intérêt au département de l’Agriculture qui a jugé que cela répondait aux attentes des agriculteurs ainsi qu’aux enjeux d’accélération du plan d’assurance agricole au Maroc », explique à Telquel.ma une source au sein de l’entreprise.

De son côté, un membre du gouvernement qui a souhaité s’exprimer sous couvert d’anonymat estime que ceux qui parlent de cadeau « veulent politiser une affaire très simple. La question qu’il fallait poser est pourquoi seul Mamda (Mutuelle marocaine agricole d’assurances, établissement public) avait ce marché ? ». Selon lui, parce qu’il n’y avait pas d’intérêt pour ce marché. L’idée de l’assurance sur les aléas climatiques datent de quelques années déjà. Sa mise en place n’a jamais été une réussite malgré quelques tentatives dans les années 1990.

Il a fallu attendre « le déploiement du Plan Maroc Vert qui en a fait un axe important dans le cadre de l’agriculture solidaire », explique notre interlocuteur.  Le premier pas d’opérationalisation a été fait en partenariat avec la Mamda qui avait depuis 2011 « un monopole de fait  qui vient de sauter. Ce n’est donc pas un cadeau que l’ont fait à Saham », précise un membre du gouvernement. Mais ça reste un marché qui se chiffre en milliards de dirhams. L’État aura contribué pour près de 1.5 milliard de dirhams dans ce dispositif d’assurances agricoles depuis sa mise en place en 2011 en prenant en considération cette campagne agricole.

Quid de la loi ?

Toutes ces explications n’écartent pas le soupçon de conflit d’intérêt au regard de la loi.  Dans ce cas, il est possible de se référer à la loi organique n°65-13 relative à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et au statut de ses membres. Dans sa disposition 33, il est établi que : « les membres du gouvernement doivent, pendant la durée d’exercice de leurs fonctions, suspendre toute activité professionnelle ou commerciale dans le secteur privé, notamment leurs participations à des organes de direction, de gestion et d’administration des entreprises privées à but lucratif et d’une manière générale toute activité pouvant entraîner un conflit d’intérêt, à l’exception des activités dont l’objet social porte exclusivement sur la prise de participation et la gestion des valeurs mobilières ». Pour le moment, les deux ministres concernés n’ont pas apporté leurs réponses.

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