Sur le Sahara, n'ayons pas peur des mots!

Par La Rédaction

Il n’est pas aisé de parler sereinement de l’intégrité territoriale marocaine sans se confronter à au moins un problème de taille. Comment évoquer la République arabe sahraouie démocratique (RASD) sérieusement, sans verser dans la propagande ni se rendre coupable d’« une agression contre la souveraineté du Royaume et contre le peuple marocain », pour citer le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane?

Revenue sur le devant la scène médiatique – l’avait-elle jamais quittée ? – à l’occasion d’une offensive diplomatique du Maroc pour éviter que la Suède ne reconnaisse la RASD, la marocanité du Sahara entraîne l’unanimité politique, médiatique et citoyenne. L’objet de ces quelques lignes n’est évidemment pas de la remettre en cause, – nous défendons la marocanité du Sahara – mais bien de s’interroger sur le vocable à employer pour en parler.

Faudrait-il avoir peur des mots ? Dans les articles de presse, ces quatre lettres, R.A.S.D, sont invariablement placées entre guillemets et accolées à une épithète, comme gage de patriotisme. Florilège : « chimérique », « fantomatique », « fantoche » ou encore « pseudo-RASD »… Le Sahara faisant partie de l’éternel triptyque – avec Dieu et le roi – au sujet duquel les journalistes marchent sur des œufs, on comprend ces précautions, nous avons les mêmes.

Le choix des mots

Cela étant dit, cette terminologie n’est pas des plus heureuses. Chimérique, évoque les chimères de la Mythologie, ces créatures à buste de lion, à ventre de chèvre et à queue de serpent. Plutôt effrayant, non ? Fantomatique est pire ! Qu’est-ce qu’un fantôme sinon le retour d’un défunt sous une forme réelle ? Fantoche est conspirationniste, puisqu’il désigne une marionnette muée par des fils. Pseudo-RASD, enfin, par sa racine grecque signifie « fausse-RASD », impliquant qu’il y en aurait une vraie. Alors qu’elles veulent réfuter l’existence de la RASD, ces expressions contribuent en réalité à en faire un monstre hybride, bien réel et qu’il faudrait craindre.

Car le terme « RASD » recouvre bel et bien une réalité, au moins sémantique, mais qui n’est pas à craindre. La République arabe sahraouie démocratique est ni plus ni moins qu’une entité autoproclamée. Ce n’est pas un État, sauf pour une petite quarantaine de pays essentiellement africains et sud-américains. Ce n’est évidemment pas non plus un territoire autonome, même pour l’ONU. C’est une entité autoproclamée par le Polisario et qui revendique un territoire que ce dernier appelle le « Sahara occidental ». Sans souhaiter l’avènement de ces revendications, tout en affirmant que les frontières du Maroc s’étendent de « Tanger à Lagouira » , parler de la RASD en des termes neutres renforce au contraire la crédibilité des argumentaires marocains.