Mohamed Sassi: «Le Maroc a l’obsession de la stabilité au détriment de la démocratie»

Le professeur universitaire Mohamed Sassi déplore que le Maroc « n’ait pas profité du Printemps arabe pour entamer le processus du changement » préférant se concentrer sur « la stabilité au détriment d’une véritable démocratie ».

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Pour Sassi, le PJD a préféré renforcer son parti au lieu d'entamer le chemin du changement.

220px-Sassi_LJHIntervenant dans le cadre du Premier forum politique organisé par le quotidien Akhbar Al Yaoum et son portail d’information AlYaoum24 portant sur le cas du Maroc concernant le Printemps arabe ainsi que la transition démocratique qui en a résulté, le professeur universitaire Mohamed Sassi a analysé comment le royaume a vécu la révolution de 2011 et les moyens qu’il a mis en marche afin de l’étouffer.

Pour Sassi, tous les paramètres étaient en faveur d’une révolution. « Nous ressemblons aux autres pays qui ont vécu le Printemps arabe dans le sens où nous avons une monarchie quasi-absolue. Le peuple ainsi que le gouvernement ont une obsession de la stabilité ». Pour le fondateur de la chabiba ittihadia de l’USFP, « le dossier du Sahara ainsi que la course à l’armement coûtent beaucoup à notre démocratie et portent préjudice au chemin du développement ». Un poids qui s’alourdit avec « la pauvreté qui mène directement vers une radicalisation de l’islam ».

Diviser pour mieux régner

Mais si le peuple marocain avait tout pour se diriger vers « une révolution menant à l’instauration d’une démocratie », des paramètres différenciant le royaume des autres pays arabes ont joué en la défaveur de l’aboutissement du processus démocratique entamé par le 20-Février. « Le système n’a pas été mis en cause par le noyau principal du 20-Février, le but premier n’était pas d’abolir la monarchie », analyse Mohamed Sassi. Pour lui, « le mouvement n’a pas réussi à attirer les politiques malgré le fait qu’il ait mené des revendications proprement politiques». Une situation qui a permis à l’État de séparer les différents sous-mouvements composant le 20-Février. « Le système a réussi à séparer les dynamiques composant le 20-Février » afin de les affaiblir, détaille l’intellectuel. « La situation des syndicats prenant part au mouvement ont été traités indépendamment des autres, idem pour celui des chômeurs et des militants amazighs en officialisant la langue amazighe. ». Une approche qui a réussi à dissoudre l’union de ces courants, se concentrant sur leurs préoccupations indépendamment des autres.

Des changements malgré tout

Malgré la fin du 20-Février, le mouvement n’a pas été vain selon Mohamed Sassi. « Si le langage politique marocain s’est toujours reposé sur des promesses sans délai d’exécution, celui du 20-Février était direct et sans sous-entendus », a-t-il expliqué. Un facteur qui, selon l’ex secrétaire adjoint du PSU, a « remis en cause un mode de faire archaïque, ce qui a changé l’approche et le discours de l’ensemble des différents partis politiques ». Car si « le mur du silence et de la peur n’a pas été détruit, il a été fortement fissuré », a analysé Mohamed Sassi.

Aujourd’hui, le Maroc n’a pas entièrement profité de cette période qui s’est étendue depuis 2011 jusqu’à nos jours. « Les tares de la Constitution votée en 2011 sont claires. Aucun chef du gouvernement ne peut prendre des décisions stratégiques sans l’aval du roi dans le cadre de cette Constitution car le palais est toujours le seul à décider », a déploré Mohamed Sassi, rajoutant qu’il « ne peut y avoir de changement tant que des mouvements comme Al Adl Wal Ihsane sont mis à l’écart ». Aussi, « le PJD, une fois au pouvoir, a profité des circonstances pour renforcer son parti », selon Sassi. Pour l’universitaire, le parti islamiste, longtemps opprimé, s’est fixé comme priorité de « redorer son image ». Cela est même passé par « faire rentrer dans son gouvernement des personnes qu’il traitait de corrompus dans le passé et changer radicalement de discours ».

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