Liberté de la presse: le Maroc stagne, (presque) tout le monde le dit

Le Maroc se positionne à la 145e place sur 199 en matière de liberté de la presse, d'après le classement réalisé par Freedom House. Dans son rapport publié ce 30 avril, le syndicat national de la presse alerte aussi.

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Journaux
Yassine Toumi / TelQuel

Le syndicat national de la presse marocaine (SNPM) vient de livrer son rapport. Alors que l’organisation espérait que la nouvelle constitution permettrait une amélioration de la situation de la liberté de la presse dans le pays, « la situation actuelle montre que ces aspirations n’ont pas été réalisées », déplore-t-elle. Si le syndicat note des points positifs (il a été consulté par le ministère de la Communication sur le prochain Code de la resse, notamment), il explique que la société civile a beaucoup d’attentes en la matière mais que ni les textes législatifs ni la pratique ne suivent. Il fait référence, entre autres, au nouveau Code de la presse qui n’a toujours pas été promulgué.

De son côté, l’ONG Freedom House a publié le 29 avril son rapport annuel sur la situation de la liberté de la presse dans le monde. Le Maroc a gagné deux places par rapport à l’année dernière, mais seulement parce que d’autres pays ont régressé. Il fait toujours partie des pays « non libres ». D’après le classement établi par l’ONG, avec un score de 66, le royaume est 145e sur 199, ex æquo avec le Cameroun et la Jordanie. La Corée du Nord est la plus mal placée.

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Des dizaines de critères pris en compte

Au niveau de la région Mena, le Maroc est à la 6e place sur 20, toujours ex æquo avec la Jordanie alors que l’Algérie occupe la 5e place, avec un score de 61. Selon le document, dans la région, seul Israël peut être considéré libre en la matière, la Tunisie, le Liban et le Koweït l’étant partiellement.

L’ONG s’intéresse à plusieurs critères concernant les environnements légal, politique et économique. Les auteurs ont par exemple examiné les lois en vigueur, le contrôle politique sur les contenus, la censure et l’auto-censure, l’accès aux sources, les sources de financement ou encore la facilité ou non des journalistes étrangers à travailler sans obstacles. Ce dernier critère rappelle l’incident survenu en début d’année, quand deux journalistes français ont été arrêtés et expulsés pour avoir travaillé dans le royaume sans autorisation.

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De nombreux exemples de restrictions

Mais les journalistes étrangers ne sont pas les seuls à avoir des difficultés à exercer leur métier, et à filmer notamment. En janvier dernier par exemple, le journaliste Jamal Boudouma et son équipe de la chaîne France24 ont été enfermés dans l’hôtel de Rabat où ils tournaient une émission après avoir refusé de remettre une copie de l’enregistrement aux autorités.

Les ONG de journalistes sont aussi parfois malmenées. L’association marocaine des journalistes d’investigation (AMJI) a par exemple dénoncé l’arrestation arbitraire de l’un de ses membres. Et l’association Freedom Now n’a pas été, malgré plusieurs recours en 2014, légalement reconnue par les autorités. L’association avait dénoncé en février dernier un recul de la liberté de la presse dans le pays« La situation de la liberté de la presse et de l’expression au Maroc aujourd’hui est pire que celle qui avait prévalu durant les trois dernières années du siècle dernier », assurait-elle en février dernier.

Des rapports «arbitraires et injustes»?

De leur côté, les autorités estiment que la liberté de la presse progresse. Le ministre de la Communication a dernièrement critiqué le rapport de Reporters sans frontières, estimant qu’il ne reflétait pas la réalité. Et ce 30 avril, lors du point presse organisé à la sortie du Conseil du gouvernement, Mustapha El khalfi a déclaré que le classement de Freedom Now était « arbitraire et injuste» .

D’après lui, le document n’est pas juste, «certains pays [ayant été] mieux classés que le Royaume alors que certains d’entre eux ont connu des procès militaires contre des journalistes et enregistré des peines privatives de liberté et des dizaines, voire des centaines d’agressions à l’encontre de journalistes». Pourtant, au Maroc, il n’est pas rare que des photojournalistes soient « secoués » par les autorités marocaines lors de la couverture de certains événements. Ce que n’a pas nié le ministre de la Communication, qui après avoir remarqué que l’année 2014 a été marquée par un recul d’un tiers des agressions contre les journalistes en comparaison avec l’année précédente, a ajouté «même si un seul journaliste est victime d’agression, cela reste non honorable».

Et de terminer en soulignant que l’année 2014 n’a enregistré aucune saisie de journal ou fermeture d’un site électronique, mais a plutôt été marquée par une évolution de la reconnaissance de la presse électronique. 160 sites électroniques d’information sont désormais reconnus et emploient près de 25% des journalistes de la presse écrite, « soit une évolution très importante», estime le ministre.

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