Zakaria Boualem et la CAN

Par Réda Allali

 Mes amis, la nouvelle est enfin tombée. Notre glorieuse équipe nationale est privée de CAN 2017 et 2019. Zakaria Boualem respire enfin. Il avait peur qu’on suspende aussi nos clubs, nos jeunes… Eh bien non ! La sentence est assortie d’une légère amende d’environ 100 millions de dirhams, ce qui ne devrait pas poser de problèmes particuliers à un pays qui vient d’en dépenser le double pour refaire un stade qui a pris l’eau devant tout le monde – stade qu’on est en train de refaire encore une fois. Privés de CAN jusqu’en 2021, donc, mais pas de Coupe du Monde, ce qui est un peu une figure de style, tant il semble improbable que nous parvenions à nous hisser en phase finale. Zakaria Boualem a observé d’un œil las les plus patriotes d’entre nous s’insurger avec vigueur contre cet infâme diktat. Selon eux, il faut quitter la CAF et demander derechef une affiliation à la confédération européenne. Il voudrait bien voir leurs têtes si nous tombions contre Israël au premier tirage au sort. D’autres souhaitent sans rougir une invitation à la prochaine Copa America.

La troisième voie proposée par les patriotes, c’est une sorte de scission, un schisme footballistique qui nous isolerait de ce continent qui ne reconnaît pas notre immense valeur. Franchement, c’est tentant. Une sorte de confédération nord-africaine, où les valeurs de fraternité arabe pourraient s’épanouir au cours de nobles confrontations Algérie-Égypte ou Maroc-Tunisie. Ce serait beau. Des matchs enfin arbitrés dignement, comme cela a toujours été le cas entre ces chevaliers du fair-play. Eviter enfin de croiser le fer avec ces ignobles équipes, pleines de pieds carrés, ces Yaya Touré et André Ayew qui ne songent qu’à tricher pour dérober des trophées qui reviennent de plein droit à nos Boussoufa et Belhanda. Soyons un peu sérieux !

Cette suspension n’émeut pas Zakaria Boualem plus que de raison. Il a depuis longtemps cessé d’entretenir une quelconque affection pour cette équipe. Il est arrivé à ce résultat au prix d’un long travail et pour sauvegarder sa santé mentale. Oui, dans sa jeunesse, il a vibré pour Timoumi et Dolmy, il a pleuré avec Bassir et Chippo, il a jubilé avec Bahja et même dansé avec Mokhtari. Mais là, désolé, non merci. C’est qu’il a de l’orgueil, le Guercifi. Un jour, il y en a un qui est grognon parce qu’on ne l’a pas assez supplié de jouer avec nous, un autre dont la femme accouche, un troisième qui a mal aux cheveux et qui ne peut pas venir, ils geignent sur le transport, la température… Ils se retiennent juste de protester contre la présence insupportable d’un adversaire. C’est affreux. Il y a même eu Belhanda qui a reproché aux Casablancais de l’avoir sifflé. Le pauvre ! On a détruit depuis longtemps l’âme de cette équipe.

Pour créer un lien, il ne suffit pas de mettre la main sur le cœur pendant les hymnes et de montrer à la caméra qu’on connaît les paroles, ce cinéma devient ridicule. Il faut donner pour recevoir, et Zakaria Boualem n’a rien reçu pendant des années. Ces joueurs ne nous disent rien. Ils ne parlent pas, disparaissent à vive allure après les matchs, vont jouer à Marrakech pour éviter la plèbe bruyante de Casa, et choisissent de temps en temps de se « consacrer à leur club ». C’est exactement ce qu’a fait notre héros, lui aussi. Il se consacre à son club. Il perd avec lui, gagne avec lui, enrage et festoie. Il vibre, échange, vit plus intensément son rapport à ce qui l’entoure.

Avec ce mountakhab, non merci, voilà. Il suggère donc à nos glorieux responsables de profiter de cet arrêt forcé pour imaginer une stratégie qui permette, non pas de gagner – c’est compliqué – mais juste de recréer ce lien entre les Marocains et leur équipe. Et merci.