Lutte contre la corruption: une nouvelle instance sans super-pouvoirs

La Chambre des représentants a adopté à la majorité le 10 février le projet de loi sur l’Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption.

Par et

bakchich
Crédit : DR

Après un long débat entre l’opposition et la majorité, la Chambre des représentants a finalement adopté lors du dernier jour de la session d’automne, le projet de loi 12-113 sur la création de l’Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption (INPLC). Le texte a été approuvé par 143 voix pour, 75 abstentions et aucune voix contre.

Lors de présentation du projet de loi mardi 10 février, le ministre chargé des Affaires générales, Mohamed El Ouafa a confié que « cette instance est importante et dangereuse en même temps de par son mode de fonctionnement ». Et d’ajouter que « le retard accusé dans l’adoption du texte est dû à la précision qu’il requérait, notamment sur la définition exacte des tâches de la nouvelle instance ».

Pas de droit d’auto-saisine pour l’INPLC

Mais les dispositions de la nouvelle loi vont à l’encontre de plusieurs des recommandations de Abdessalam Aboudrar, actuel président de l’Instance nationale de prévention et de lutte contre la corruption. De même, le texte ne répond pas aux amendements proposés par les partis de l’opposition et même par les partis de la majorité qui souhaitaient que la nouvelle instance ait le droit d’auto-saisine ainsi que la capacité de protéger les plaignants (les dénonciateurs ou « lanceurs d’alerte ») en préservant leur anonymat. Les députés souhaitaient aussi la création de bureaux régionaux de cette instance.

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« Nous travaillons sur la création de cette instance depuis un an et demi. Et donner le droit d’auto-saisine à l’INPLC est anticonstitutionnel: celle-ci ne peut pas empiéter sur les tâches réservées à la Justice », a tenté de se justifier El Ouafa.

Pas d’anonymat pour les plaignants

Sur l’anonymat des plaignants, qui ne pourra pas être préservé selon le texte adopté par les députés, le ministre a argumenté que « le plaignant doit impérativement révéler son nom et son prénom et fournir les preuves de ses accusations. C’est à l’Etat par la suite de protéger les plaignants et les témoins conformément aux textes du code pénal ». Enfin, concernant la création de bureaux régionaux, il a rappelé que « l’Etat ne peut pas fournir les moyens humains et financiers nécessaires pour cela».

Rappelons que la loi stipule l’obligation de la consultation de la nouvelle instance sur les projets de loi, les décrets et les propositions de lois relatives à la prévention et à la lutte contre la corruption tout en lui accordant des prérogatives lui permettant de mener des enquêtes et des investigations sans lui opposer le principe du secret professionnel, ou lui refuser la coopération.

A noter que le projet de loi sur la création de l’INPLC avait déjà provoqué l’ire de certaines associations, notamment Transparency Maroc. Cette dernière a accusé le gouvernement en septembre dernier d’avoir fait du rétropédalage en matière de lutte contre la corruption. Alors que les agents de l’ICPC bénéficiaient de pouvoirs de la police judiciaire (auditions de personnes, visites à domicile), l’ONG avait déploré que la nouvelle instance doive se contenter «de l’élaboration d’études et d’un rôle consultatif ».

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