Que sait-on des liens qu'entretiennent le Maroc et l'Arabie saoudite?

Alors que l'Arabie saoudite enterre le roi Abdallah et que son demi-frère Salmane lui succède, Telquel.ma fait le point sur les relations de ce pays avec le Maroc. Plus qu'un partenaire économique, les documents confidentiels publiés par Chris Coleman montrent que l'Arabie saoudite est un allié de poids pour le Maroc.

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Crédit : MAP

Ce vendredi 23 janvier,  le roi Mohammed VI a ordonné que le drapeau national soit mis « en berne durant trois jours sur les édifices gouvernementaux, les administrations et les places publiques, ainsi que sur les ambassades et consulats du Royaume à l’étranger« , suite au décès du roi Abdallah d’Arabie saoudite et « en signe de partage par le Maroc, Roi et peuple, de la tristesse du peuple saoudien suite à la perte cruelle d’un dirigeant et d’un roi courageux qui était lié au Maroc par des liens de fraternité sincère », indique un communiqué du porte-parole du palais royal.

L’Arabie saoudite est un allié de choix pour le Maroc. En témoignent les relations diplomatiques des deux royaumes, caractérisées par une entente sur divers domaines, des investissements saoudiens de plus en plus importants au Maroc et des visites régulières entre les deux souverains. Mais que représente l’Arabie saoudite pour le Maroc ? Les documents publiés par le compte Twitter Chris Coleman (dont l’authenticité, on le rappelle, n’a pas été démentie par les autorités) fournissent des éléments de réponse.

Un complice pour le lobbying

L’Arabie saoudite a toujours exprimé son soutien au Maroc concernant le dossier du Sahara, défendant le plan d’autonomie proposé par le Maroc. Le royaume wahhabite se présente comme un allié de choix du royaume pour mener à bien son lobbying à l’international. Lors d’une rencontre entre le ministre des Affaires étrangères marocain et son homologue saoudien, le prince Saoud ben Fayçal ben Abdelaziz Al Saoud, en février 2011, ce dernier a affirmé que l’Arabie saoudite était déterminée « à faire entendre la voix du Maroc au sein du G20 et le soutien de ses propositions à ce groupe », selon le compte-rendu de cette rencontre publié par Chris Coleman.

Un soutien mutuel, puisqu’en septembre 2011, le ministère marocain des Affaires étrangères envoyait un courrier à l’ambassade saoudienne à Rabat afin de lui confirmer le soutien du Maroc à la candidature de l’Arabie saoudite en tant que membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2014-2015. L’inverse avait eu lieu pour la période 2012-2013 où l’Arabie saoudite avait soutenu le Maroc, avec succès, pour le même poste.

Lire aussi : Chris Coleman, un Wikileaks marocain dont personne ne parle

Dans le compte-rendu de la rencontre entre les chefs de la diplomatie des deux pays, l’Arabie saoudite s’inquiétait de la « menace ascendante de l’Iran sur les pays du Golfe », notamment de la pression « qu’elle tente d’exercer à travers son programme nucléaire » dans un contexte mondial délicat : la crise économique, ainsi que l’impact de l’Iran dans la politique libanaise et syrienne. Des documents publiés par Wikileaks affirmaient d’ailleurs que le Maroc avait rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran en 2009 pour avoir la bénédiction du royaume wahhabite. Le motif officiel était l’expression de la solidarité avec le Bahreïn après qu’un responsable iranien a qualifié le pays de « quatorzième province iranienne ».

Les Marocains résidant en Arabie saoudite, une inquiétude pour nos officiels

Un compte-rendu d’une visite du ministre des Affaires étrangères à Riyad, datant de février 2011, publié par le compte Twitter Chris Coleman, nous apprend la planification d’une réunion à Rabat d’un sous-comité du consulat et des affaires sociales à propos des « problèmes insolubles » de nombreux Marocains résidant en Arabie saoudite. Le rapport insiste sur la nécessité de « règlementer le recrutement des travailleurs marocains comme il a été le cas pour la communauté indonésienne résidant en Arabie saoudite ». Cette règlementation garantirait notamment « l’application du salaire minimum, que les employés marocains puissent garder leurs passeports et que leurs contrats puissent être visés par le bureau de l’emploi, ainsi que par les services compétents au sein du ministère des Affaires étrangères au Maroc et l’ambassade d’Arabie saoudite ». Tout cela pour donner « plus de crédibilité à la nature juridique de ces contrats ».

Près de 60 000 Marocains travaillent en Arabie saoudite selon les estimations de Morocco Property Expo, qui datent de mars 2013. Plusieurs scandales remuent la communauté des Marocains en Arabie saoudite, qui est parfois victime d’exploitation voire d’esclavage. Dernièrement, des sites Internet proposaient des « bonnes marocaines à vendre » en Arabie saoudite, un phénomène scandaleux qui ne semble pas alerter les autorités saoudiennes, qui laissent faire ces « transferts » de domestiques sans émettre aucune objection.

Selon ce même document diplomatique, le ministre des Affaires étrangères, avait aussi demandé à son homologue saoudien, lors de sa visite à Ryad en février 2011, « l’ouverture des portes des universités publiques en Arabie saoudite aux Marocains résidant dans ce pays », comme cela a été le cas pour les étudiants yéménites. L’argumentaire du ministre marocain a été appuyé notamment par le fait que le Maroc réserve annuellement 30 place aux étudiants saoudiens au sein de ses universités.

Un allié sur tous les fronts

En septembre 2011, le ministre des Affaires étrangères Taïeb Fassi Fihri avait participé à la première réunion avec ses homologues des pays faisant partie du Conseil de coopération du Golfe afin de discuter de l’éventuelle intégration du Maroc à ce conseil. Le rapport nous apprend que la Jordanie avait effectué une demande afin de rejoindre le Conseil de coopération, demande à laquelle le roi d’Arabie saoudite avait répondu en initiant cette rencontre. L’émir du Qatar avait, lui, invité le Maroc à prendre part à ces discussions en tant que candidat, à l’image de la Jordanie.

Si ces discussions n’ont pas mené à l’accueil du Maroc et de la Jordanie au sein du Conseil de coopération du Golfe, notamment pour « des raisons historiques et stratégiques », privilégiant « des partenariats forts » entre les deux pays et les pays du Conseil de coopération, à travers l’annonce d’un accord pour soutenir l’économie du royaume d’un milliard de dollars annuellement, financés par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar. En échange, d’autres volets sont inclus dans ce rapprochement, qui ne se résume pas uniquement au volet économique. Le troisième volet du compte-rendu de la réunion explique : « Si l’adhésion au Conseil de coopération n’a pas eu lieu, la réflexion s’est dirigée vers ce qu’il y a de plus essentiel : l’aide économique et un partenariat incluant un volet stratégique et sécuritaire ». Des accords de principe qui n’ont pas tardé à se concrétiser. En août 2014, le Maroc a envoyé un contingent de soldats afin d’assister les membres de la garde nationale saoudienne pour surveiller les frontières de l’Arabie saoudite avec l’Irak.

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