Pakistan. Les talibans font un carnage dans une école: plus de 130 morts

Les talibans pakistanais ont perpétré ce 16 décembre l'une de leurs attaques les plus sanglantes en visant une école de Peshawar notamment fréquentée par des enfants de soldats, tuant au moins 130 personnes dont une centaine d'élèves.

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Un père pleure sur le corps de son fils tué lors de l'attaque de l'école de Peshawar.
Un père pleure sur le corps de son fils tué lors de l'attaque de l'école de Peshawar. Crédit: A MAJEED/AFP

L’armée a mis fin en fin d’après-midi ce mardi 16 décembre à l’opération après sept heures de combats contre six assaillants envoyés par le Mouvement des talibans du Pakistan (TTP) pour venger l’offensive militaire menée depuis juin dans ses repaires des zones tribales voisines.  C’est l’attaque la plus meurtrière dans le pays depuis octobre 2007 et un attentat à Karachi qui avait fait 139 morts lors du retour au pays de l’ancienne Premier ministre Benazir Bhutto. En sept ans, les talibans ont mené des centaines d’attaques qui ont fait plus de 7.000 personnes à travers le pays.

Mardi, l’offensive a débuté vers 10H30 locales (05H30 GMT) lorsque six talibans déguisés en militaires ont pris d’assaut l’école, située dans les faubourgs de Peshawar (métropole du nord-ouest pakistanais) et à la lisière des zones tribales, selon des sources concordantes. Près de 500 élèves, la plupart âgés de 10 à 20 ans, étaient alors présents.

« Nous avons mené cette attaque après une enquête qui a indiqué que les enfants de plusieurs haut responsables de l’armée étudient dans cette école« , a expliqué à l’AFP Muhammad Khurasani, un porte-parole du TTP, en la revendiquant.

« Il y a un tas d’enfants cachés sous les bancs, allez les chercher »

Selon des témoins, les assaillants sont passés de classe en classe pour abattre les enfants, et au moins un a fait exploser la bombe qu’il portait sur lui. Alité à l’hôpital Lady Reading de Peshawar, Shahrukh Khan, 16 ans, assistait à une formation sur les choix de carrière dans l’auditorium de son école, fréquentée par des jeunes de 10 à 20 ans, lorsqu’un commando de talibans vêtus comme des paramilitaires a fait irruption mardi matin.

« Quelqu’un a aussitôt crié de nous coucher par terre et de nous cacher sous les pupitres« , souffle-t-il, traumatisé par l’attaque. Les insurgés ont ensuite crié « Allahou Akbar » avant d’ouvrir le feu sur les enfants. « Puis, l’un des talibans a crié: ‘il y a un tas d’enfants cachés sous les bancs, allez les chercher », pour les tuer, témoigne-t-il à l’AFP. Couché au sol en faisant semblant d’être mort, Shahrukh, un géant de près de deux mètres, a vu des bottes noires se rapprocher de lui, un taliban traquant les étudiants sous les bancs. Puis, un insurgé lui a tiré des balles dans les deux jambes, juste au dessus des genoux. L’adolescent s’est mordu de douleur.

« J’ai retroussé ma cravate, et l’ai mise dans ma bouche pour ne pas crier. L’homme aux grosses bottes, lui, continuait de cribler de balles les étudiants. Et moi, j’étais étendu sur le sol, les yeux fermés, attendant d’être à nouveau fusillé« , confie-t-il.

Un homme porte une écolière blessée à l'hôpital après l'attaque qui a fait plus de 130 morts dans une école de Peshawar.
Un homme porte une écolière blessée à l’hôpital après l’attaque. Crédit: A MAJEED/ AFP

 « Tragédie nationale »

L’armée, très présente dans cette ville régulièrement visée par les rebelles, est rapidement intervenue, déclenchant des tirs qui se poursuivaient en milieu d’après-midi. Une heure avant la fin de l’assaut, le bilan atteignait 130 morts, en grande majorité des enfants, ont déclaré à l’AFP deux ministres de la province de Khyber Pakhtunkhwa (KPK) dont Peshawar est la capitale. Il pourrait s’alourdir, les autorités ayant également fait état de 25 blessés graves.

Au fil de l’après-midi, l’armée annonçait la progression de ses troupes à mesure que les talibans étaient tués par les forces de l’ordre ou se faisaient exploser en actionnant les vestes explosives suicide qu’ils portaient sur eux. Peu avant 18H30 locales (13H30 GMT), la police a annoncé la fin de l’attaque et la mort des six assaillants. « Les opérations de combat sont terminées, nos hommes sont en train de terminer de sécuriser la zone« , a annoncé à l’AFP un haut responsable de la police, Abdullah Khan, en sortant de l’école.

« Les corps de six terroristes ont été retrouvés« , a-t-il ajouté, actant la fin de l’assaut. L’armée avait peu de temps auparavant indiqué qu’elle était en train de « boucler » l’opération.

Dénonçant cette « tragédie nationale » provoquée par des « sauvages« , le Premier ministre Nawaz Sharif a décidé de se rendre sur place, une chose rare dans ce pays habitué aux attaques rebelles. « Ces enfants sont mes enfants, le pays est en deuil et je suis en deuil« , a-t-il ajouté.

Des centaines d’écoles publiques attaquées

Le TTP avait dès le début de l’attaque indiqué qu’il s’agissait d’une « réponse à l’offensive Zarb-e-Azb, à la vague d’assassinats perpétrée contre les talibans et au harcèlement de leurs proches« , selon leur porte-parole Muhammad Khurasani. L’armée mène depuis juin dernier cette opération contre le TTP et ses alliés dans plusieurs zones tribales, dont son principal refuge du Waziristan du Nord, le long de la frontière afghane.

Créé en 2007, le TTP, qui regroupe une myriade de factions islamistes, a déclaré la « guerre sainte » au gouvernement pakistanais pour dénoncer son alliance stratégique avec les Etats-Unis scellée après les attentats du 11 septembre 2001. Le groupe armé, qui réclame également l’instauration dans le pays d’une loi islamique rigoriste, a également attaqué des centaines d’écoles publiques ces dernières années, et tenté en 2012 de tuer Malala Yousafzaï, une jeune militante pour l’éducation des filles de cette même région du nord-ouest.

Cette tentative d’assassinat, dont la jeune fille a réchappé de justesse, a fait d’elle une icône mondiale de la tolérance et du droit à l’éducation célébrée en Occident, et couronnée cette année du prix Nobel de la paix. De Grande-Bretagne, où elle vit désormais, Malala a dénoncé les « actes atroces et lâches » des talibans. « J’ai le cœur brisé par cet acte de terreur insensé commis de sang froid à Peshawar » et « comme des millions d’autres à travers le monde, je pleure ces enfants, mes frères et sœurs« , a-t-elle ajouté.

Parmi les premières réactions à l’étranger, le Premier ministre britannique David Cameron s’est dit « choqué » et « horrifié de voir que des enfants sont tués juste parce qu’ils vont à l’école« . Le président français François Hollande s’est lui insurgé contre cet acte « ignoble« . L’Inde, voisin et traditionnel rival du Pakistan, a fermement condamné, par la voix de son premier ministre Narendra Modi, cette attaque « lâche« , « inhumaine et d’une indicible brutalité » et s’est déclaré solidaire d’Islamabad.

« Notre cœur est avec ceux qui ont perdu des êtres aimés aujourd’hui. Nous partageons leur douleur et leurs offrons nos plus profondes condoléances« , a-t-il ajouté.

Avec Saad Khan/AFP

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