Brésil: les premières élections smartphone

Lancer une tomate virtuelle au visage d'un candidat, "liker" ses propositions, vérifier son patrimoine, son casier judiciaire: la campagne électorale pour les élections d'octobre au Brésil se dispute aussi sur les smartphones et leurs applications.

Par

La moitié des 202 millions de Brésiliens ont accès à internet, trois sur dix à travers un smartphone, un marché en pleine explosion avec des ventes en progression de 47% au premier semestre, selon une récente étude statistique Nielsen-Ibope. Équipes de campagne, organismes officiels, médias et jeunes internautes créatifs du géant émergent d’Amérique latine envahissent le web via les réseaux sociaux et applications mobiles pour communiquer, interagir, ou aider l’électeur à forger son propre avis. En marge des colonnes d’opinion des grands médias d’information traditionnels.

Une application électorale inspirée de Tinder

« Les applications politiques pour smartphone sont encore balbutiantes mais progressent » au Brésil, relève Walter Nogueira Junior. Cet étudiant en dernière année d’informatique a créé sa propre « appli », baptisée « Vote ou véto« , déjà téléchargée par 100.000 utilisateurs. Inspiré de l’application de rencontres amoureuses Tinder, très populaire au Brésil, son programme propose à l’internaute une sorte de rendez-vous à l’aveugle avec les 11 candidats à la présidentielle du 5 octobre dont il a référencé l’intégralité des engagements de campagne.
Une promesse électorale apparaît sur l’écran. L’utilisateur est invité à cliquer « vote« , ou « véto« . A ce moment seulement apparaît le nom du candidat qui a formulé la proposition. Et plus si affinités…

Traquer les corrompus

Une autre application, « Candidat propre », permet de vérifier les éventuels antécédents judiciaires pour corruption des candidats. Pas superflu dans ce pays miné par la corruption. Car les Brésiliens sont appelés aux urnes pour élire leur futur président, mais aussi 27 gouverneurs, 513 députés, 27 sénateurs et 1.035 députés régionaux. Cette application s’inspire de la loi « casier vierge« , qui interdit à tout politicien en délicatesse avec la justice de se présenter et en vertu de laquelle 250 candidats ont été écartés. Dans le même registre, une application permet de jeter des tomates virtuelles à la figure d’un candidat, une autre de consulter son patrimoine déclaré. Le Tribunal suprême électoral propose une application avec des données complètes sur tous les candidats. Le site d’information UOL est le seul grand média à en avoir développé une spécifique alimentée par l’actualité de la campagne, des sondages, des portraits des candidats.

Un terrain investi par les candidats

Les équipes de campagne ne sont pas en reste. Celle de Marina Silva a lancé un programme qui permet, grâce à un montage, de se prendre en photo à côté de la candidate écologiste, donnée par les sondages à égalité avec la présidente Dilma Rousseff au second tour du 26 octobre. Le Parti social-démocrate brésilien, du candidat Aecio Neves, troisième dans les sondages, a créé une application contenant des informations et des vidéos spécialement formatées pour le web. Les trois principaux prétendants à la présidence accordent une importance cruciale aux réseaux sociaux, auxquels ont accès 77% des propriétaires brésiliens de smartphones.
« Nous croyons qu’internet est l’un des principaux canaux de communication de la campagne pour la réélection de la présidente Dilma, en raison des possibilités d’interaction et d’échange d’informations avec les internautes« , explique un membre de son équipe de campagne.

Cible 16-34 ans

Selon l’étude Nielsel-Ibope, 55% d’entre eux ont entre 16 et 34 ans, une tranche d’âge qui représente presque 56,3 millions de Brésiliens (40% de l’électorat). Et parmi eux, 57% s’informent via leur téléphone, dont 10% grâce à une application. Jeunes, éduqués, issus des classes moyennes ou aisées, ils épousent en partie le profil des jeunes brésiliens qui avaient massivement manifesté en juin 2012 contre la corruption et pour l’amélioration de l’éducation, de la santé et des transports publics. Mais ils ne représentent que le segment aisé du web-électorat. Les trois principaux présidentiables n’oublient pas d’arroser très large via les réseaux sociaux classiques, en particulier Facebook, qui comptait 46 millions d’utilisateurs en 2013 au Brésil (3e rang mondial) et où ils ont plus d’un million d’abonnés chacun.

Dilma Rousseff a réactivé son compte Twitter (41 millions d’abonnés brésiliens) un an avant les élections. Son mentor politique, l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, vient d’en ouvrir un pour la soutenir.
Pour toucher les 100 millions de Brésiliens privés d’internet, la campagne obéit encore largement aux recettes traditionnelles : meetings, affiches, débats télévisés. Mais dans quatre ans ?

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer