Le numérique, nouvelle frontière du combat pour les libertés

Des activistes des libertés numériques ont lancé à Rabat l'Association marocaine des droits numériques (ADN), qui veut faire d'Internet un outil au service de la liberté des citoyens.

Par

Association marocaines des droits numériques
Conférence de presse du lancement de l'association marocaine des droits numériques (ADN).

Le lancement était parrainé par des soutiens d’autres réseaux de cyberactivistes, comme Privacy International (Royaume-Uni) ou Nawaat (Tunisie).

Hisham Almiraat, président de l’association, en est convaincu, Internet peut et doit être mis au service de la citoyenneté ; au même titre que les droits fondamentaux.

La parole s’était libérée dans les années 1990, mais cette fenêtre s’est relativement refermée. Avec Internet les gens peuvent devenir leur propre média, en complément à la scène médiatique – aujourd’hui contrôlée par l’Etat ou qui s’autocensure. Internet doit faire partie d’un espace où peut s’exercer la liberté d’expression des citoyens.

Mais l’enjeu démocratique du Net, pour Hisham Almiraat, passe aussi par la transparence du gouvernement, via par exemple les revendications de libération des données publiques :

La technologie permet de mettre les gouvernants devant leurs responsabilités. Ce contrôle des dirigeants doit s’ajouter à la liberté d’expression.

Enfin, l’ADN sera particulièrement sensible à l’espionnage : « Le revers de la médaille, avec le web, c’est qu’on s’expose, et on devient vulnérable », avertit H. Almiraat, qui redoute que les intérêts des gouvernants et du secteur privé n’encadrent l’usage du web au détriment des usagers.

Espionnage d’État

Des craintes d’autant plus justifiées depuis que le Maroc s’est porté acquéreur du système Pop Corn auprès de l’entreprise française Amesys, « Pop Corn étant une version modifiée de l’outil vendu à Mouammar Kadhafi pour espionner les internautes en Libye », précise H. Almiraat. Et de rappeler que les autorités marocaines sont (largement) en mesure d’archiver les communications de tous les habitants et de les scanner. Pour autant, l’association ne recherche pas le rapport de force avec l’État :

On ne cherche pas la confrontation, on ne remet pas en cause la légitimité de la surveillance pour les terroristes et les pédophiles ; on veut juste attirer l’attention sur le risque d’erreur de profilage lié à ces outils et dialoguer pour aboutir à un cadre législatif respectueux des citoyens.

Entre l’action de lobbying / plaidoyers et la sensibilisation du grand public, l’ADN annonce vouloir travailler dans les deux directions, pour dresser un état des lieux détaillé de la vie privée sur le Net tout au long des 2 à 3 ans à venir. Un atelier national en novembre prochain doit initier le débat sur cette thématique auprès des acteurs du secteur.

Pression des autorités

L’ADN refuse de s’associer aux partis pirates créés dans plusieurs pays notamment en Europe, pour défendre une ligne « moins dogmatique », explique H. Almiraat : « Eux tiennent des positions qui relèvent de l’idéologie sur l’open data (libération des données publiques), ils bannissent toute forme de surveillance et réclament la transparence absolue ».

Toutefois, malgré un positionnement prudent, l’ADN a commencé son existence sous de sombres auspices : la conférence de presse prévoyant son lancement a été annulée, suite à « des pressions des autorités marocaines », regrette H. Almiraat, sur l’hôtel qui devait l’héberger. C’est l’Association marocaine des droits humains (ADMH) qui a accueilli l’événement au pied levé dans son siège. « Dans les années 1960 et 1970 on se battait pour défendre les droits de l’Homme ; aujourd’hui, avec le numérique, c’est un peu le même combat », résume H. Almiraat.

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