Les «petites bonnes» pourront toujours travailler avant 18 ans

Le projet de loi sur les employés de maison arrive enfin devant les conseillers. Malgré des avancées, le texte n’inclut pas toutes les recommandations du CNDH.

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Les ONG dénoncent régulièrement les conditions de travail de ces employés.

Alors qu’il était attendu depuis près de 10 ans, le projet de loi régissant le travail domestique est jugée peu ambitieux dans sa version actuellement examinée par la Chambre des conseillers. Même si elle apporte de nouvelles garanties pour protéger ces travailleurs, elle ne suit pas toutes les préconisations du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).

Ce dernier avait pour principales recommandations l’alignement des garanties accordées à ces travailleurs sur celles prévues par le code du travail et l’instauration d’une limite d’âge de 18 ans. Il n’en est rien. Nadir El Moumni, enseignant-chercheur et directeur des études au CNDH, reproche au texte un côté sélectif :

La démarche des rédacteurs du projet de loi est très éclectique. Ils ont pris la palette des garanties fondamentales que nous demandions. Ils en ont pris certaines et omis d’autres.

Des congés et un salaire minimum assurés

Le texte précise les tâches relevant de cette législation : le nettoyage, la cuisine, la garde des enfants ou des personnes malades, handicapées ou âgées. Les chauffeurs, les jardiniers et les gardiens (sauf s’ils travaillent pour une entreprise de gardiennage) sont également considérés comme employés de maison, mais pas les concierges.

Parmi les avancées, on peut citer l’instauration au minimum d’un jour de congé hebdomadaire, de congés annuels (identiques à ce que prévoit le Code du travail), d’un salaire minimum (égal aux rémunérations perçues par les travailleurs de l’industrie et du commerce) et d’indemnités de licenciement à partir d’un an de travail continu. Le texte actuel interdit (et sanctionne) la médiation par une personne physique entre le travailleur et l’employeur.

La limite d’âge fixée à 15 ans

En revanche, le projet de loi n’interdit toujours pas le travail domestique pour les enfants âgés de 15 à 18 ans, comme le préconisait pourtant le CNDH. Nadir El Moumni s’en inquiète au nom du CNDH  :

 Le travail domestique tel qu’il se présente dans le contexte marocain actuel est susceptible d’être considéré comme un travail dangereux pour les 15/18 ans, toutes les études ont montré la précarité et la vulnérabilité de ces enfants, donc c’est pour cela que nous avions fait cette demande. 

Pour protéger les 15-18 ans, la loi prévoit quand même une obligation d’accord du tuteur et une visite médicale semestrielle, payée par l’employeur.

Alors que le CNDH demandait l’obligation d’un contrat avec des closes spécifiques détaillant les tâches, le salaire etc., l’article 3 du texte prévoit seulement un contrat avec des closes générales. Il va donc falloir attendre un futur texte qui devra préciser ces closes.

Les employeurs justifient parfois les bas salaires par les avantages en nature qu’ils donnent aux employés de maison. Le CNDH demandait alors que la loi limite le pourcentage de rémunération en nature. « Nous n’avions pas fait de recommandations précises mais aux vues des législations des pays étrangers, on pourrait instaurer un pourcentage de 10 ou 20 %, à mon avis. Le projet de loi fixe ce seuil à 40 %, on le juge exorbitant », explique Nadir El Moumni.

Assez de moyens pour inspecter les employeurs ?

Parmi les autres recommandations non suivies : le rapatriement pour les employés de maison étrangers. Ils sont très nombreux, Philippins notamment, à travailler au Maroc. Le texte prévoit l’instauration d’inspecteurs du travail (seulement lorsque l’employé porte plainte) et de sanctions pour les employeurs qui ne respecteraient pas ces obligations. Les peines peuvent atteindre 30 000 dirhams et deux mois de prison en cas de récidive.

On peut se demander si les moyens nécessaires seront effectivement mis en place, mais Nadir El Moumni refuse à être négatif :

Il est vrai que tout cela nécessite de grosses techniques d’investigation puisque tout se passe dans la sphère privée mais on espère bien que tout sera effectif. En fait il faudra se baser sur une trithérapie investigation, répression et sensibilisation.  Même si le texte présenté actuellement est en deçà des attentes de la société civile, on ne veut pas parler d’échec. Ce que l’on pourrait qualifier de prime abord d’échec est plutôt une motivation. Cela nous oblige à continuer notre plaidoyer : beaucoup de parlementaires partagent notre vision et peuvent plaider pour plus de droits jusqu’à la dernière minute.

Pour le moment, le texte est loin d’être finalisé. Après adoption en commission, il devra être voté en séance plénière puis publié dans le Bulletin officiel (BO). Le législateur a fixé une période transitionnelle d’un an après publication dans le BO, afin de permettre aux employeurs de se mettre en conformité avec la loi, et ce avant l’entrée en vigueur effective du texte.

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  • le problème du travail au Maroc … ce sont les cahiers de charges … il faut les rendre publique et chaque employeur et employé doivent le connaitre et le respecter …
    le salaire minimum est déjà fixé par l’État … 3000 dhs donné par l’employeur ou la différence est subventionnée par l’état …

    Allons vers la transparence … fuyons l’injustice … les bonnes sont des employées comme tout les employés … évitons la discrimination … soyons justes …

    1. pour le conseil
      cette personne doit se présenter au bureau du travail et contacter l’inspecteur du travail le plus proche et s’ y inscrire et ta montrera comment c’est facile et en plus tu bénéficieras d’une retraite … c’est facile … je vous donne un exemple pas mal de femmes qui travaillaient dans des cafés … ont trouvées raison auprès des tribunaux quand leur employeur les ont virés … et même si tu travailles pour un cydicat dans un immeuble …gardien ou concierge …

  • Ce n’est pas parfait mais c’est un grand pas vers l’avant en effet le problème ce que bcp gens restent silencieux par peur de perdre leur emploi rare ceux qui vont se plaindre a l’inspection de travail : quant est allons nous créer des centres de conseil juridique gratuitement afin d’informer les gens leur droits ?