Hafid Good : du film au roman

Parution. Dans un premier livre au ton léger, le comédien et réalisateur évoque l’envie de percer des jeunes Franco-marocains. Lecture avec l’auteur.

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Photo : Damien Petit

Ce n’est pas de la grande littérature, appelons ça un roman-comédie », lâche d’emblée Hafid Aboulahyane, alias « Hafid Good », à propos de 31 Février, récemment paru en France aux éditions Plon. Le premier roman du comédien et réalisateur franco-marocain raconte l’histoire de Sami, jeune Marocain né en France qui part à Agadir pour se lancer dans l’immobilier avec deux amis. Ce trio de « Pieds nickelés » rêveurs est vite confronté à un ancien légionnaire arnaqueur, à l’amour, et plus généralement aux différences entre les sociétés française et marocaine. Soutenu par une langue simple et un ton insouciant, le roman a tout d’un road-trip gentiment distrayant. Mais cette légèreté première ne doit pas laisser croire que Hafid Good n’a pas de message à transmettre. « Quand j’ai pensé le personnage de Sami, je savais très bien ce que je voulais : qu’il ressemble aux milliers de jeunes qui restent sur le bord de la route et essaient de se frayer leur propre chemin ». Et si l’essentiel du roman est totalement délirant, Hafid n’en a pas moins basé son histoire sur une trame réaliste. Son protagoniste est né à Creutwald, « une ville où il y a de nombreux Marocains. Les plus vieux y sont venus travailler dans les mines ». C’est aussi la ville « où a grandi mon ami Mustapha Hadji, le footballeur qui est aujourd’hui l’adjoint de Zaki ».

« Je suis un artisan »

La naissance de l’ouvrage, elle, tient presque de l’accident. L’histoire de 31 Février était destinée à être filmée, pas imprimée. Après trois ans de conservatoire, une décennie à user les planches comme comédien pour différentes troupes, et plusieurs courts-métrages – citons La marche des crabes, récemment diffusé sur une chaîne publique française – Hafid Aboulahyane, qui autoproduit ses films, décide de se lancer dans un long-métrage. Il débarque au Maroc et se rend dans le Souss, la région de ses parents, pour préparer le tournage. Les difficultés ne tardent pas à pointer : en plus des complications pour obtenir les autorisations de tournage, Hafid Good peine à trouver un producteur, sa propre boîte étant trop modeste pour assumer un tel projet en solitaire. Lorsqu’une éditrice manifeste de l’intérêt pour l’histoire du film, il n’hésite pas à lui confier son manuscrit. Le scénario initial se transforme en livre, ce qui convient parfaitement à Aboulahyane : « De toute manière, je suis plus un artisan qu’un artiste. Je trouve des moyens divers pour dire ce que j’ai à dire, je tâche de transmettre de manière accessible mon propos ». Militant l’artisan ? « Non », mais cela ne l’empêche pas de se poser des questions. Ainsi du choix des héros de son roman, qui tentent de s’en sortir individuellement, par la débrouille, là où les protagonistes de ses courts-métrages tendaient à privilégier l’action collective : « Les jeunes de mon roman sont à l’image de notre monde et des jeunes d’aujourd’hui : à l’inverse des années soixante, ils essaient de pénétrer le système plutôt que de le fuir ». 

Faire dialoguer les cultures

Et bien qu’il ne se dise pas militant, Aboulahyane assure que les jeunes binationaux comme lui « ont un rôle particulier à jouer, des deux côtés ». « C’est à nous de faire dialoguer les cultures, de faire se rencontrer des gens et de bousculer ceux qui, dans les deux pays, ont du mal avec nous, parce qu’ils ont du mal en général avec l’altérité », explique celui qui avoue « recevoir des regards accusateurs ou soupçonneux dans mes deux pays » et entretenir une relation « du genre « Je t’aime moi non plus » » avec la France et le Maroc. Et de donner en exemple de son rôle : « Je compte confier la bande-son d’un film à un artiste amazighophone, Ali Faiq, de Amarg Fusion, qui sera accompagné par un Français ». Bientôt, Hafid Good reviendra poser un temps ses valises au Maroc. Il compte donner un coup d’accélérateur à la production de son film et rencontrer des acteurs culturels, notamment sur le plateau de l’émission Ajial où il a d’ores et déjà été convié.  

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