Expérience. Love me Tinder

Photo : DR

Mieux que les petites annonces et Meetic, Tinder permet des rencontres en un seul clic. Avec dix millions d’utilisateurs dans le monde, l’application fait aussi fureur au Maroc.

Un soleil couchant, un apéro en terrasse et un ami qui s’acharne sur l’écran de son smartphone, l’œil vitreux et un filet de bave aux commissures des lèvres. Voilà pour la description physique de l’effet « Tinder », le must have des applications mobiles pour appâter de la donzelle ou du damoiseau. Une invention qui, comme d’habitude, nous vient directement des geeks californiens, trentenaires et toujours en mal de relations sociales. Lancé en 2012, Tinder, qui signifie littéralement « faire des étincelles » en français, frise les 200 000 téléchargements quotidiens dans le monde depuis l’hiver dernier. Plus simple que le très coincé Meetic, moins glauque que le vieux Badoo, Tinder est un peu « le GPS de l’amour » pour les plus polis, ou « le supermarché de la cuisse » pour les plus grivois. Le principe est simple (et gratuit) : l’application se connecte à votre compte Facebook, pique quelques photos et deux trois renseignements sur votre personnalité, puis vous met en relation avec des hommes ou des femmes situés dans un rayon allant de quelques mètres à une centaine de kilomètres. Seulement, pour entamer le dialogue avec quelqu’un, il doit y avoir un « match ». En clair, chacun doit « aimer » la photo de l’autre. Un choix que l’on exécute dans un délicat geste de la main, et qui consiste à faire glisser la photo d’une personne d’un côté ou de l’autre de l’écran. A droite pour les charmantes créatures, à gauche pour les « moches ». Simplement ludique ou tristement cruel ? « C’est comme la vraie vie, mais en mieux ! », pour reprendre le slogan Tinder.

Choix sur catalogue

« Au Maroc, ça marche parce que c’est plus discret et moins risqué qu’une bonne vieille drague de rue, mais surtout ça donne du résultat », fanfaronne Mehdi, commercial de 24 ans, en passe d’enchaîner son cinquième rendez-vous grâce à Tinder. Argument convaincant, même si la « drague de rue » ressemble étrangement à du harcèlement scabreux. Le moment est donc venu de tenter l’aventure, ne serait-ce que par curiosité intellectuelle ou par goût pour les expériences sociologiques. Après l’installation de l’application, attention à soigneusement choisir sa photo de profil : sur les cinq photos que Tinder puise dans Facebook, ce serait dommage de laisser passer celle où l’on fait un selfie avec sa grand-mère, ou celle prise par un ami au cours d’une soirée de beuverie. Tinder indique alors « recherche de personnes à proximité de vous », tandis que sur l’écran, votre photo fait mine d’envoyer des phéromones jusqu’à 100 kilomètres à la ronde. Et déjà, c’est le moment de descendre dans l’arène. Première photo, un type qui s’appelle Aqua Love et qui embrasse un dauphin à pleine bouche : ouverture d’esprit d’accord, zoophilie non merci (à gauche). Deuxième cliché, un brun ténébreux dans une piscine : oh oui, nageons ensemble dans les eaux de l’amour (hop, à droite)… Les images s’enchaînent à l’infini et l’on se prendrait presque pour Anna Wintour en train de feuilleter un catalogue de mannequins, ou pas. « Pour moi, ça a été une super- thérapie post-rupture, ça m’a permis d’évacuer ma hargne », confie Salma, qui utilise Tinder « en long et en large », depuis 2012. Résultat des courses en une soirée : sur plus de 500 profils différents, une cinquantaine de « like » et autant de « match », soit un taux de réussite de 100%. Un excellent moyen de booster sa confiance en soi, quitte à se prendre pour Beyoncé dans Crazy in Love. « Les mecs ne sont pas très regardants, par contre les filles sont plus exigeantes, et surtout elles sont moins nombreuses », souligne Mehdi.

Rapidité, efficacité, productivité

Après s’être bidonné sur les quadras moustachus, le sosie marocain de François Hollande, les barbus à la recherche d’un « halal », les pré-pubères, les flambeurs qui posent à côté de leur BMW et un sexagénaire qui, après tout, a aussi le droit de tenter sa chance, il est temps de converser avec les quelques spécimens qui nous ont tapé dans l’œil. Rapidement, les mêmes phrases s’enchaînent : « Salut, tu cherches quoi ici ? » (sous-entendu « sexe ou prise de tête ? »), « tu as déjà fait des rencontres grâce à Tinder ? » (« aventurière ou grosse coincée ? »), ou encore « on poursuit la discussion sur WhatsApp ?» (petit stratagème pour obtenir votre numéro de téléphone). Bref, pour ceux qui s’attendent à avoir des conversations jusqu’au bout de la nuit, arrêtez là, ça ne se passe pas comme ça dans 90% des cas. « C’est une application très rapide, qui réunit le minimum d’informations sur les gens. Le but ce n’est pas de fantasmer ou de se projeter, mais d’organiser des rencontres concrètes ou une partie de jambes en l’air », explique Salma. « Dès le lendemain de mon inscription sur Tinder, j’ai eu trois rendez-vous dans la même journée, et c’est là qu’on a appris à se connaître », abonde Mehdi.

Si dans la majorité des cas, les utilisateurs sont plutôt « sérieux », Tinder réserve aussi son lot de surprises… et de moments gênants. Attendez-vous à tomber sur des « masseurs professionnels et plus si affinités » pour 100 dirhams la nuit, des fous furieux qui vous attendent de pied ferme dans un bar miteux d’un quartier mal famé, des hommes mariés, ou, pire… un collègue ou un voisin. Autant le prendre avec humour, tout comme cette application qui, à défaut de vous faire rencontrer la personne idéale, vous permettra au moins d’égayer vos soirées.

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