Exposition. La pop alternative d’Anuar Khalifi

Faussement naïve mais cérébrale, la peinture de 
cet artiste ultra-branché vient donner un coup de fraîcheur 
à un paysage plastique marocain quelque peu assoupi.

Il a trente-sept ans, il est grand, plutôt séduisant. Il porte les cheveux, la barbe naissante et les fringues négligés réglementaires des artistes bobos, tendance barrés. Son français exotique est truffé de mots anglais et arabes, avec un accent ibérique – né en Espagne, il vit aujourd’hui entre Tanger et Barcelone. Mais Anuar – avec un U SVP – Khalifi sait communiquer les concepts dont il est porteur.

Nous faisons le tour de son exposition casablancaise inaugurant le nouvel espace de Yakin&Boaz Gallery, rue Michel-Ange. Les œuvres, pour la plupart monumentales, sont flamboyantes. Des couleurs franches, un dessin faussement naïf, des constructions-enchevêtrements dont la complexité n’empêche pas la justesse.

Il nous parle du rapport Orient-Occident toujours prisonnier, selon lui, de clichés coloniaux, du consumérisme effréné qui crée la frustration généralisée, de la mondialisation qui efface chez les peuples et les individus toute trace de spiritualité, etc. Un discours pas nouveau, mais qui trouve là sa traduction dans d’étonnantes allégories. Les tableaux d’Anuar Khalifi sont narratifs. Le récit, aussi ironique que poétique, est à décoder. Qui est ce récurrent pré-adolescent au corps efflanqué et au visage d’ange désespéré ? « Parfois, c’est un autoportrait, parfois c’est une figure générique.» Quand on lui dit qu’il fait une peinture pop, Khalifi répond : « C’est ce qu’on me dit, mais je me trouve plus trash que pop ». Quand on évoque ses couleurs matissiennes, même dénégation : « Matisse est un peintre que j’apprécie mais il ne fait pas partie de mes références. » Nous insistons : il y a un télescopage, comme si Matisse avait rencontré la peinture haïtienne.  Il est content : « J’adore l’art black ».

A la fois figurative et allégorique, joyeuse et pensive, la peinture d’Anuar Khalifi vient revigorer un paysage plastique marocain un brin répétitif. Pop, vous dit-on !   

Anuar Khalifi, « Desoriente », à la galerie Yakin&Boaz, Casablanca. Jusqu’au 31 mai.

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