Tariq Ramadan: « Les musulmans s’adaptent à un système dominant »

L'islamologue Tarik Ramadan répond à trois questions majeures qui font débat aujourd'hui: l'avortement, la finance islamique et l'héritage.

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1. Que pensez-vous de l’avortement ?

Le principe premier en islam a été un refus de l’avortement. Puis très vite, il a été dit qu’il était possible de reconsidérer la question si la vie de la mère était en danger. Le cas par cas aurait pu s’instituer en règle étant donné que la tradition islamique accorde une place importante tant au choix de chacun qu’aux situations particulières. Malheureusement, les sociétés majoritairement musulmanes ont tendance à oublier l’éthique très pragmatique de l’islam au profit de règles dont on pense que le caractère restrictif est un gage d’islamité.

2. Vous êtes critique à l’égard de la finance islamique, qui suscite un grand intérêt au Maroc. Pourquoi ?

Je remarque qu’à travers ce genre de pratiques, on islamise les moyens mais pas les finalités, qui restent les mêmes : faire du profit, du bénéfice, valider le capitalisme. On ne questionne plus l’éthique et les pratiques. Le plus souvent, nous nous adaptons en tant que musulmans à un système dominant sans proposer d’alternatives. Les institutions financières qui célèbrent la finance islamique ne s’y trompent pas. Elles sont là pour les intérêts plus que pour l’éthique.

3. Quelle est votre position  concernant l’héritage ?  

L’héritage pose les mêmes questions : celles des finalités et des pratiques. La manière d’organiser l’héritage a été édictée dans un cadre particulier et basée sur une conception de la famille. Les rôles étaient répartis : la femme avait des droits et l’homme des devoirs à son égard. Aujourd’hui, le schéma familial a changé, et cette conception des droits et des devoirs aussi. Pourtant, la règle est maintenue par des hommes qui sont devenus les champions de l’oubli et du souvenir sélectifs. Que se passe-t-il dès lors ? On reste fidèles littéralement à la tradition mais 
on perd l’objectif final, à savoir le principe cardinal de justice. Il faut rester fidèle aux textes en tenant compte du contexte : c’est une responsabilité collective.

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