“Benkirane a sacrifié la Constitution”

 

Smyet bak ?

Ahmed Ben El Abbas.

 

Smyet mok ?

Habiba Bent Ahmed.

 

Nimirou d’la carte ?

CB 83339.

 

Récemment, vous avez violemment attaqué Benkirane au parlement et le journal de votre parti l’a même comparé à Oufkir. N’est-ce pas excessif ?

C’est très grave de mettre les slogans anti-régime scandés lors de la marche de Casablanca (le 27 mai, ndlr) sur le dos de l’USFP et de la gauche en général. En plus, évoquer cette question en Conseil de gouvernement est hors sujet. Ces méthodes relèvent d’un passé sombre qu’on veut oublier. Quant à l’édito d’Al Ittihad Al Ichtiraki qui compare le Premier ministre à Oufkir, il a été dicté par la direction du parti… et il est effectivement exagéré. Mais disons que, parfois, il faut exagérer pour convaincre.

 

Pensez-vous que les sciences politiques pourraient aider à comprendre le parlement marocain ?

(Rires) Je dirai qu’il faut plutôt avoir recours aux sciences sociales et, surtout, à la sociologie et à la psychologie. Les élections au Maroc, par exemple, sont plus un phénomène sociologique que politique. Il n’y est pas question de projets ou de programmes, mais de tribalisme, de corruption… Rien n’est là pour nous donner de la visibilité et des clivages.

 

Sinon, est-ce vrai que l’USFP va droit dans le mur ?

Pas forcément. Mais beaucoup d’efforts sont nécessaires pour parvenir à une refondation de l’idée, de l’appareil et de la direction. Ce 9ème congrès national (prévu en septembre, ndlr) est une chance et nous devons la saisir, car c’est la dernière. Il faut faire revivre un parti qui donne à rêver et ressuscite des espoirs. Sinon, ce sera toujours l’impasse.

 

Ce serait peut-être le moment de placer un jeune à la tête de l’USFP ?

Des jeunes, et j’en fais partie, il y en a déjà à la direction. Mais j’émets le souhait d’en voir qui se portent candidats au poste de premier secrétaire. Ce serait une très bonne chose pour l’avenir de l’USFP.

 

Pensez-vous qu’être à l’opposition peut aider à cette refondation dont vous parlez ?

D’abord, l’opposition est un choix et la participation au gouvernement n’est pas une fatalité. Mais beaucoup de choses ont changé puisqu’avant, nous pouvions prétendre à une sorte de monopole de l’éthique. On était face à des partis qui n’avaient pas de légitimité et on s’opposait à un régime, à un style. Aujourd’hui, la légitimité, ce sont les urnes. Donc l’exercice de l’opposition est plus difficile. Il ne s’agit plus pour nous d’agir comme des tribuns, mais comme des députés conscients des contraintes et de la conjoncture globale du pays.

 

A votre avis, quelle est la plus grosse erreur du gouvernement actuel ?

Grosso modo, je dirais que le problème, c’est que Abdelilah Benkirane cherche sans arrêt à être dans les bonnes grâces du Palais, à obtenir sa confiance au détriment de la Constitution. A maintes reprises, le chef de l’Exécutif a carrément sacrifié le texte de la loi suprême à cette fin.

 

Le fait qu’on dise que vous êtes un peu le Khalfi de l’USFP ne vous dérange pas ?

No comment ! Même si je dois bien reconnaître que j’ai connu la majorité des jeunes cadres du PJD aux universités de Fès et Rabat, comme Aziz Rabbah et Abdelali Hamieddine. Ou alors quand j’étais secrétaire général de la Chabiba. Malgré l’adversité, nos rapports étaient toujours cordiaux et ils le sont encore aujourd’hui. 

 

Seriez-vous prêt à apprendre la langue amazighe pour comprendre Tabaâmrant ?

J’ai défendu son choix de poser une question en amazigh au parlement et c’est un choix courageux. Quant à moi, j’aimerais bien apprendre cette langue, sauf que cela risquerait de me prendre une éternité pour maîtriser l’alphabet tifinagh…

 

Seulement 1% des jeunes adhèrent à un parti politique. ça ne vous choque pas ?

Ces statistiques du HCP ne me paraissent pas raisonnables. Disons que nous sommes en train de découvrir l’action politique. Au temps du despotisme et de la répression, c’était l’affaire de quelques activistes et des élites. Aujourd’hui, nous avons tout à construire et j’espère que le Printemps arabe va y contribuer. Il est temps qu’on commence à faire de la politique comme on en fait partout dans le monde.

 

Quel effet cela vous fait de retrouver Noubir Amaoui et la CDT après une décennie de brouille ?

L’histoire du mouvement ittihadi est pleine d’erreurs de part et d’autre. Ce n’est pas sans séquelles, mais nous ne devons pas rester otages du passé. C’est en ce sens que la marche de Casablanca restera un grand moment d’émotion. Elle incarne en quelque sorte le début de la réalisation du rêve de l’union du peuple de gauche. Je dirais même que nous n’avons plus de raison d’avoir aujourd’hui deux centrales syndicales, la FDT et la CDT.

 

Votre idole, c’est Youssoufi ou Fqih Basri ?

J’ai beaucoup de respect pour ces personnes, mais c’est Abderrahim Bouabid qui est mon idéal d’homme politique, mon école. Il a réussi à rassembler à la fois les qualités du militant, de l’homme d’Etat et de l’idéologue. Ce n’est pas pour exagérer, mais sans ce grand homme, la gauche au Maroc ne relèverait plus que de l’histoire ou serait réduite à quelques officines insignifiantes comme en Egypte et en Tunisie.

 

Pour agacer les habitants de Bhalil, votre village natal, certains disent que leurs ancêtres étaient de confession juive… Vous en pensez quoi ?

Je leur dis que Bhalil était faite de juifs et de musulmans. Son identité est plurielle et il n’y a pas de quoi polémiquer sur cette question.

 

Autrefois, vous aviez l’habitude, dans votre village, d’offrir du petit lait aux passants. C’est toujours le cas ?

Evidemment et nous gardons les mêmes coutumes hospitalières malgré l’urbanisation qui a changé beaucoup de choses à Bhalil.

 

Monsieur le député, vous êtes plutôt tajine ou couscous ?

Je me régale en mangeant un tajine de viande bel kharchouf. Et même s’il est difficile de trouver à Rabat des cardons de bonne qualité, je m’arrange toujours pour déguster mon plat préféré.

 

Et côté musique, une préférence ?

Au risque de vous surprendre, je suis kdim (vieillot) sur ce chapitre là. Pour me détendre, j’écoute Oum Kalthoum, Marcel Khalifa ou encore Fayrouz. Ce sont mes premières amours et je ne risque pas de changer de sitôt. Cela me rappelle le bon vieux temps, les années du campus universitaire, etc.

 

  • 1974. Naît à Bhalil, près de Sefrou
  • 1991. Adhère à l’USFP
  • 1995. Obtient sa licence en droit à l’université de Fès
  • 2004. Soutient sa thèse de doctorat en sciences politques, à Rabat.
  • 2005. Est élu secrétaire général de la Chabiba
  • 2007. Est l’heureux papa d’une petite fille
  • 2008. Fait son entrée au bureau politique de l’USFP
  • 2011. Est élu au parlement sur la liste nationale des socialistes.

 

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