“Il n’y a pas de culture propre”

Smyet bak ?

Lhaj Driss.

 

Smyet mok ?

Lalla Fatma Alaoui.

 

Nimirou d’la carte ?

A6684.

 

Vous avez été très critique à l’égard de la répartition des nominations des hauts responsables. Pourquoi ?

J’ai tout simplement dit que le projet de loi organique posait un problème. Soit le roi ne fait pas confiance à son Chef de gouvernement, soit ce dernier délaisse des compétences qui lui reviennent de droit. Je peux comprendre que la CDG ou l’OCP soient des entreprises stratégiques, mais pourquoi voudrait-on que l’OFPPT ou la Société d’aménagement du Bouregreg soient insérés dans la même catégorie ? J’espère que cela va être rattrapé au parlement.

 

Auriez-vous réagi de la même manière, étant ministre, et en présence du roi  ?

Bien sûr ! J’aurais d’abord réagi en Conseil de gouvernement, c’est là que les lois sont discutées en premier lieu.

 

Sinon, qu’est-ce que vous avez contre Benkirane ?

Je n’ai rien contre lui et ce n’est pas une affaire personnelle. Si vous faites allusion à l’affaire Omar Benjelloun (leader socialiste assassiné en 1975 par des islamistes), Abdelilah Benkirane n’était pas impliqué, mais il n’avait pas à manifester contre le verdict condamnant les assassins. C’était déplacé.

 

Que pensez-vous des déclarations de certains politiques sur la fin du clivage gauche-droite ?

C’est faux et c’est, au niveau mondial, une thèse de la droite. L’USFP, malgré les critiques qu’on peut lui faire, s’inspire des valeurs de la social-démocratie. La grande question est de savoir comment être social-démocrate au 21ème siècle. Elle se pose en Espagne, en France, en Grèce et il est temps que les forces du progrès ouvrent ce débat au Maroc.

 

Votre parti a pris ses distances avec le 20 février. Etait-ce une position raisonnable ?

Lorsque le vent de la liberté a commencé à souffler sur les pays arabes, c’est au Maroc qu’il a trouvé les structures les plus favorables. Nous avons lutté pour la démocratie dès les années 1960 dans un environnement régional défavorable : des dictatures au nord, en Espagne et au Portugal, et un pouvoir absolu à l’est avec l’Algérie de Boumediene.

 

Pourquoi n’avez-vous pas marché avec le M20 ?

Evidemment, sauf que j’étais tenu par le devoir de réserve que m’imposaient mes fonctions de ministre. J’ai été agréablement surpris de voir des jeunes manifester et entrer en politique par la grande porte.   

 

Y a-t-il une vie après le gouvernement ?

J’ai une vie familiale plus riche, surtout avec mes petits-fils. J’ai aussi plus de temps à consacrer à mes lectures. Cela ne m’empêche pas de rester attentif à la situation du pays et je garde toujours contact avec des dirigeants de partis et des responsables de la société civile.

 

Et Abderrahmane Youssoufi, votre prédécesseur à la tête de l’USFP, continuez-vous à le voir ?

Oui, mais rarement, vu qu’il est assez souvent à l’étranger. Le contact entre nous est permanent, par téléphone.

 

Que vous inspire le renforcement de l’équipe des conseillers du roi ?

Le roi n’a pas besoin d’un gouvernement de l’ombre, puisque celui dirigé par Abdelilah Benkirane est le gouvernement du roi. Mais, dans l’absolu, Mohammed VI a le droit de s’entourer des conseillers de son choix et en qui il a confiance.

 

Et votre dernière rencontre avec le roi, elle remonte à quand ?

C’était lors du dernier Conseil des ministres du gouvernement El Fassi. J’en garde un bon souvenir.

 

Vous avez été ministre sous Hassan II, puis sous Mohammed VI. Avec qui le courant passait mieux ?

Je vous le dis franchement : avec Hassan II, je sentais qu’il ne nous faisait pas confiance, à moi et à l’USFP en général. C’est pour cela qu’il a tout fait pour maintenir Driss Basri. Mohammed VI, lui, a commencé par renvoyer Basri et par renouveler sa confiance à Youssoufi et son équipe. Ce n’est pas rien.

 

Mais il y a eu, entre vous, quelques clashs en Conseil des ministres, non ?  

Ce sont des choses qui peuvent arriver, mais cela ne change rien au respect mutuel et à la confiance du roi.

 

Vous publiez vos mémoires cette semaine. Un hasard de calendrier ?

C’est une proposition du journaliste Mahmoud Maârouf, qui a commencé avec moi une longue série d’entretiens dès 2009. Lors du dernier ramadan, on a repris le tout, vu qu’il a considéré que je ne parlais pas assez de moi.

 

Des souvenirs avec Mouammar Kadhafi ?

C’était un personnage étrange, pour ne pas dire un phénomène. La dernière fois que je l’ai rencontré remonte à la visite que nous lui avons rendue, Yassine Mansouri, Mohand Laenser et moi-même en 2009. J’ai toujours dit qu’il valait mieux avoir de bons rapports avec lui pour éviter sa capacité de nuisance.

 

Et votre fils au parlement, c’est grâce à papa ?

Pas du tout ! Il se trouve tout simplement que Ali est secrétaire général de la Chabiba et la direction du parti a décidé de le placer sur la liste des jeunes candidats. Quant à moi, j’ai décidé de ne plus me présenter après une vie parlementaire de 30 ans. Et j’ai émis le souhait de voir une femme candidate à Yaâcoub Mansour, ce quartier où l’USFP a toujours gagné, depuis Ben Barka.

 

Faites-vous toujours la prière d’Al Fajr à la mosquée des Orangers ?

Cette mosquée est loin de chez moi actuellement. Mes prières, je les fais à la mosquée Balafrej de Souissi. Et c’est un pur hasard si elle porte le nom d’un cousin lointain de ma femme.

 

Et côté musique, qu’est-ce qui vous fait vibrer ?

Je suis mélomane. J’assiste aux concerts de l’Orchestre philarmonique, mais j’aime aussi notre chanson traditionnelle, Nass El Ghiwane et Jil Jilala. J’aime aussi les artistes de la nouvelle scène marocaine.

 

Un dernier mot sur les ministres PJD qui se sont prononcés contre les festivals ?

Des ministres n’ont pas à tenir ce genre de propos car ils affaiblissent le pouvoir du Chef du gouvernement. Et ce n’est pas à un ministre de se porter critique d’art et de culture. Ce n’est pas une affaire d’Etat, mais l’affaire des artistes, des cinéastes et des créateurs en général. L’humanité a pu évoluer grâce à des gens qui avaient l’audace de sortir des cercles et cadres tracés. Il n’y à pas de culture propre. Quant à la liberté, le peuple n’acceptera jamais un retour en arrière.

 

Antécédents :

 

1935. Voit le jour à Fès.

1962. Lauréat de l’ENA à Paris.

1973. Reçoit un colis piégé, chez lui, et a failli perdre la vie.

1975. Naissance de son fils, Omar, 5 jours après l’assassinat de Omar Benjelloun. 

1998. Ministre au gouvernement d’alternance de Youssoufi, reconduit sous Jettou et El Fassi.

2003. Devient premier secrétaire de l’USFP après la démission de Youssoufi.

2012. Publie ses mémoires.

 

 

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