Success story. L’art de père en fils !

Dans le milieu artistique, les Fadili sont un clan soudé et incarnent un modèle économique efficace. Plongée dans un univers où le talent s’exprime en famille.

C’est dans son appartement chic et sobre du centre-ville de Casablanca que la comédienne Hanane Fadili nous donne rendez-vous. Pour s’entretenir avec elle ou avec n’importe quel autre membre de la famille Fadili, il faut passer par la mère. “C’est elle qui s’adjuge le mauvais rôle d’attaché de presse ou de manager quand il s’agit de négocier pour le boulot. Elle nous a inculqué l’idée qu’il faut se donner de la valeur à soi-même pour que les gens nous respectent”, lance Hanane avec malice. Une fois l’approbation maternelle obtenue, les Fadili nous invitent dans leur univers. A peine la discussion entamée avec Hanane que son père, Aziz, arrive. “Qui va chercher les enfants à l’école ?”, s’enquiert celui que tout le monde appelle Lhaj.
Chez les Fadili, le sens de la famille frise l’obsession. “Je veux être présente chaque jour pour mon fils”, souligne Hanane, qui a cessé toute activité artistique pendant plus d’un an. Pas au point de troquer son statut de comédienne pour celui de femme au foyer. “J’ai continué le sport pour préparer mon retour sur les planches et j’ai imaginé de nouveaux personnages en m’inspirant de mon expérience de la maternité”, affirme Hanane sous le regard tendre de Lhaj.

Au nom du père… et de la mère.
Pour raconter l’histoire des Fadili avec l’art, il faudrait remonter à la grand-mère maternelle qui se déguisait en homme lors des fêtes et des mariages. “A l’époque, les mariages n’étaient pas mixtes. Ma mère aimait bien faire de l’animation chez les femmes en imitant les hommes sérieux”, se souvient Aziz, qui va se diriger vers le théâtre et plus précisément les marionnettes. “Quand j’ai commencé à être artiste, c’était un choix de vie très risqué à cause de sa connotation péjorative”, ajoute-t-il. Mais le marionnettiste pouvait compter sur le soutien de sa femme. Secrétaire de métier, elle a le sens de l’organisation et partage avec son mari la passion des planches. “Quand il s’agit de discuter business, c’est avec maman qu’il faut parler. Après, c’est Hanane et moi qui intervenons pour le côté artistique”, souligne Aziz.
Comme pour Adil le benjamin, la fraterie Fadili (Hanane, Rochdi et Ghizlane), grandira dans un couffin qu’on promène dans les coulisses du théâtre. “ça nous a fait vivre et stimulé notre imagination”, martèle Hanane. Fascinés par le monde enchanté du théâtre, les rejetons vont vivre une enfance qui ne ressemble pas à celle des autres. “On utilisait les draps pour monter une scène et réinventer les spectacles dans le salon de la maison”, se souvient Adil.

Hanane : le concept fédérateur
Et c’est le déclic pour la petite Hanane. Dès ses huit ans, elle s’amuse à imiter ses grands-parents. Un ami de la famille, le réalisateur Hamid Benchrif, va remarquer son talent. Il lui donne quelques rôles dans l’émission TV3, un show avant-gardiste des années 1980. Quelques années plus tard, Hanane rejoint la troupe de Tayeb Seddiki en tournée avec la pièce intitulée Nous sommes faits pour nous entendre. “Je n’avais aucun rôle. Tayeb m’a invitée à accompagner la troupe pour distribuer des amuses-bouche aux artistes”, se souvient Hanane. Cette expérience lui sera très utile au moment du lancement de la chaîne 2M. Elle se présente au casting d’animatrice et est prise sans grande difficulté. Elle a alors 17 ans et anime Foukaha, un show hebdomadaire, pendant deux ans avant de démissionner. C’est que dans le clan Fadili, on cultive le sens de l’indépendance et de la libre entreprise.
Ils décident alors de monter et de produire en famille le premier spectacle intitulé Télé Hanane, une galerie de plusieurs personnages inspirés de la vie quotidienne. “Hanane a un sens inné de la communication. Elle peut causer avec un gardien de voitures pendant une demi-heure et en sortir un sketch”, souligne Adil. Chacun va trouver sa place dans l’entreprise familiale : Adil s’occupe de la mise en scène, Hanane écrit et joue ses spectacles, Rochdi en maître du son et lumière, Ghizlaine joue des petits rôles et la mère est le chef d’orchestre. La machine Fadili fonctionne bien, grâce au jeu de Hanane, qui brille pendant trois mois sur la scène parisienne en 1999. “Je me remets sans cesse en cause. J’ai pris conscience que ma formation était lacunaire”, se souvient Hanane. Elle décide de s’inscrire aux renommés Cours Florent pour une formation de deux ans en théâtre. Avec l’arrivée de Noureddine Saïl, elle renoue avec 2M, où elle enchaîne Hanane Show, Al kamira lakoum ou encore Ach khsarti ila dhakti. Déjà classique du rire marocain et au féminin.

Adil : L’électron libre
Un peu plus loin, nous visitons Adil Fadili. “Nous habitons le même quartier. C’est pratique pour travailler”, lance Adil. Dans son salon, une médiathèque pleine à craquer de DVD, tous les trésors du cinéma mondial : Scarface, Citizen Kane ou encore Pulp Fiction. Des posters trahissent le goût de Adil pour le cinéma américain. Réalisateur, metteur en scène, producteur, co-écrivain avec Hanane, Adil, l’aîné de la fratrie, se définit lui-même comme un travailleur au service d’un concept nommé Hanane. “Elle crée les personnages et leur univers, puis mon père et moi développons ces personnages avec elle”, affirme Adil, qui lie travail familial et ambitions personnelles. Si Hanane a toujours voulu être comédienne, Adil en revanche voulait tout faire. A 19 ans, il part pour Paris pendant six ans où il apprend les ficelles du métier de metteur en scène. “Adil est le plus autonome de nous tous puisqu’il est producteur et metteur en scène”, souligne Hanane.
Adil écrit, produit et réalise aussi des téléfilms grâce à sa boîte de production Prod Apart, qui a signé plusieurs téléfilms à succès comme La brigade, qui en est à sa troisième saison. Pour son premier essai au cinéma, son court-métrage Courte vie est primé au Festival de Tanger en 2011. Premier marocain à remporter ce prix, il écume les festivals pour le faire connaître. “Il nous arrive de nous chamailler. Maman s’occupe de nous réconcilier et nous reprenons le boulot”, souligne Adil. Plus décontracté sur les questions d’argent, Adil avoue que le métier fait vivre correctement la famille mais qu’ils sont loin d’être millionnaires. “On préfère travailler en famille, mais on ne sait pas tout faire, affirme-t-il. On fait aussi travailler les autres. On n’est pas Adams family”.

Projets. Full-time job
Après s’être éclipsé de la télévision et des planches pendant plus d’un an, les Fadili s’activent pour monter un nouveau one woman show sur mesure pour Hanane. “C’est une galerie de personnages loufoques où je reviens sur les femmes à la recherche d’un mari à tout prix, ainsi que sur la désillusion qui peut les attendre une fois mariées”, souligne Hanane, qui veut marquer son retour avec un spectacle qui sera truffé de plusieurs tableaux de danse et de chant, avec sons et lumières. Au four et au moulin, Adil Fadili, en plus de la réalisation du futur spectacle, continue de filmer les 14 épisodes, commandés par 2M, de la série La Brigade. “Pour les besoins du tournage, nous avons entièrement transformé un des studios de télévision de Aïn Chok en commissariat”, affirme-t-il. Malgré cet agenda chargé, il trouve le temps de sillonner les quatre coins du globe avec son court-métrage Courte vie, déjà récompensé par le Grand Prix de la première édition du festival de Malmo (Suède) du film arabe.

 

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