Peinture. Erotisme à géométrie variable

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La vie comme l’œuvre de Mohamed Hamidi restent peu connues du grand public. Rétrospective de la carrière d’un des pionniers de l’art contemporain marocain.

Mohamed Hamidi explore, approfondit et revisite les signes et les symboles depuis plus de cinquante ans. Une riche et longue carrière peu connue du grand public. Car le peintre, apprécié et reconnu par ses pairs, a toujours l’humilité du débutant. D’une grande discrétion, il est presque gêné d’exposer son travail. Ses toiles, il ne leur donne pas de noms, tout comme il n’en parle jamais ni ne les explique. Il préfère laisser le visiteur se faire sa propre opinion. Sa vie, comme son œuvre, il la décrit en quatre étapes bien distinctes. Le quatre, c’est d’ailleurs son chiffre fétiche. “La Kaâba a 4 côtés, l’année a 4 saisons, le carré a 4 côtés, la lumière des astres dégage 4 points lumineux”, explique-t-il. Une formule qui résume assez fidèlement la vision artistique de ce peintre aux multiples facettes.

Graffitis au charbon…
Pour lui, tout a commencé dans la rue. Déclaration d’amour à la voisine ou révolte contre le couvre-feu des années 1960, Hamidi laisse libre cours à son trait sur les murs des bâtiments, une sorte de graffiti avec des morceaux de charbon en guise de fusain. Peintre, il a toujours voulu l’être malgré la réticence de ses parents. “Mon père me voyait plutôt avocat. Il me répétait sans cesse que la peinture n’est pas un vrai métier”, nous confie-t-il. Hamidi persévère et collectionne formations et diplômes. Après avoir essuyé les bancs de l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, il s’envole pour Paris où il intègre l’Ecole des métiers d’arts, puis l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts. Pour ses toiles de fin d’études, Hamidi travaille sur l’art figuratif, dessinant une femme nue à la manière de son inspirateur Modigliani, ou encore une théière cubique. Bien que ces toiles connaissent du succès, Hamidi ne se sent pas dans son élément. Il revient alors à la fresque, ces espaces sans début ni fin où il peut laisser exploser sa créativité. “On flirte avec l’espace avant de l’aborder”, philosophe-t-il en nostalgique de ce temps où la rue lui parlait et l’inspirait. Arrive ensuite sa grande époque d’art abstrait. Dans ses œuvres, il aborde la femme sur un plan architectural : un corps jamais complet, des membres représentés à sa manière… L’érotisme est peint en toute pudeur. Hamidi a fait partie de cette génération de peintres qui se sont exprimés sans tabou sur le corps et la volupté à une époque où il était difficile de s’exposer au grand jour. Vient ensuite la célèbre exposition protestataire de la place Jamaâ El Fna de 1969 : Avec ses confrères (Belkahia, Melehi, Chebaâ, Ataallah et Hafid), Hamidi dévoile des œuvres percutantes et originales. Cette période, il la décrit comme “un mouvement artistique exceptionnel. Il était à la fois réfléchi mais chaque artiste pouvait travailler à sa manière”.
A partir des années 1980, Hamidi évolue vers un style encore différent mais en puisant toujours son inspiration dans ses origines. Des origines arabes mais aussi africaines. “L’art africain n’est pas représenté de la même manière que l’art marocain, ni avec les mêmes matières. Chacun possède sa propre autonomie mais, en même temps, ils sont impossibles à dissocier”, argumente-t-il. Il allie alors ces deux cultures en peignant sur du cuir des signes et des symboles d’islam et d’Afrique Noire.
Alors que le nouveau millénaire s’ouvre, Mohamed Hamidi se passionne pour le géométrisme. L’architecture imaginaire de ses toiles entraîne dans un labyrinthe toujours truffé de signes et de symboles. Hamidi revisite et transcende les formes de l’œuf, l’oiseau, le papillon ou encore la colombe, sans oublier les espaces de la ville et ces dimensions infinies.
A la galerie 38 jusqu’au 1er Décembre 2011

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