Stagiaires exploités, artisans sans couverture sociale, uberisation... le CESE pointe les "zones grises" de l'emploi

D'Uber au gardiennage informel en passant par le régime des stages détourné... le conseil passe au crible des questions d'actualités dans son dernier rapport.

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Le Conseil économique, social et environnemental se penche sur la problématique de « la garantie du travail décent« . La commission chargée de l’emploi et des relations professionnelles du CESE publie un rapport qui plante d’emblée le décor. « Il y a une large zone grise entre l’économie formelle et informelle, qui tire profit de l’opacité  de la loi, de la faiblesse de la protection, de l’ampleur du chômage et du développement de l’économie informelle« , explique Mohammed Alaoui président de la commission.

Au détour d’une phrase noyée dans les 30 pages du rapport, le CESE glisse une pique au défunt Uber Maroc. Préoccupé par l’extension exponentielle de l’informel, le CESE note que la technologie pourrait aider à glamouriser certains métiers. « Uber et Airbnb génèrent une concurrence déloyale entre les entreprises et menacent des activités entières de transiter vers l’économie informelle« , précise le rapport.

Stagiaires exploités

Le rapport pointe notamment le régime des stages en vue de l’intégration professionnelle. « Ce dernier permet de verser des salaires en dessous du minimum légal ou de licencier à tout moment le travailleur, sans qu’il puisse bénéficier d’aucune sécurité  sociale« , relève le document.

Le régime des stages est censé développer l’expérience professionnelle et l’employabilité des jeunes diplômés  de l’enseignement supérieur. Or sur le terrain la situation est tout autre. L’expérience montre que plusieurs entreprises remplacent leurs stagiaires fréquemment afin d’éviter leur intégration.

Les entreprises les moins scrupuleuses mettent à profit ce régime afin d’obtenir de la main-d’œuvre bon marché. « L’imposition aux entreprises d’intégrer 60% des stagiaires sous peine de privation du recours à ce régime d’emploi est un indicateur d’une certaine conscience  du problème« , relève le rapport.

Artisans sans couverture sociale

Le régime de l’auto-emploi est lui aussi pointé du doigt. Certains ouvriers se complaisent dans cette situation, du moment qu’ils sont sollicités pour leur niveau de qualification. Toutefois, les « collaborateurs sont exempts de toutes les obligations légales liées aux conditions de travail y compris celles relatives à la santé, à la sécurité, à la durée du travail, aux accidents de travail et à la sécurité sociale« , met en garde le rapport.

En réalité, cette situation ne diffère pas de celle de la plupart des artisans et professionnels qui travaillent dans les mêmes conditions, à leur compte, dans le commerce, l’artisanat ou encore l’agriculture, et ce sans aucune couverture sociale ni réglementation professionnelle.

S’ils évoluent en grande majorité dans l’économie informelle, bon nombre font partie de la catégorie des ouvriers non déclarés par les entreprises. « Ces dernières les emploient temporairement ou de manière permanente, surtout dans le transport, l’entretien, le nettoyage, le gardiennage et les services offerts aux particuliers« , étaye Mohammed Alaoui.

Le CESE considère que le travail  indépendant sous forme de métiers manuels et d’activités d’artisanat ou d’auto-emploi, au Maroc comme dans la plupart des pays en voie de développement, demeure exclu de la protection sociale légale constituée essentiellement du Code du travail, de la sécurité sociale ainsi que de la couverture médicale.

Inspection déficiente

Garde-fous contre les abus, « les organes d’inspection paraissent dépassés face à la précarité de certaines activités« , note le CESE qui préconise d’augmenter les capacités humaines et matérielles nécessaires au fonctionnement de l’inspection du travail.

Le conseil fustige également les politiques sectorielles qu’il juge incohérentes. Le rapport  considère que le ciblage de l’emploi quantitatif et qualitatif dans toutes les politiques de développement représente l’enjeu majeur de l’emploi décent. Toutefois, cela « exige une stratégie nationale qui prend en considération la complémentarité des politiques sectorielles et territoriales« .

La note la plus positive émane de la sous-traitance dans le secteur public. Le Conseil relève que celle-ci s’exerce en vertu des régimes de la gestion déléguée, des marchés publics, du partenariat public-privé. « Les législations et les régimes régissant leurs attributions imposent des conditions permettant au moins de s’assurer de la situation des soumissionnaires envers la caisse sociale et les impôts« .

Toutefois l’attribution des marchés secondaires n’est pas soumise aux mêmes règles. L’administration n’étant pas habilitée à intervenir dans la relation qui lie le sous-traitant à ses salariés et ses fournisseurs.

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