Témoignage : Fatima, vaincue par la pauvreté avant le grand froid de l’Atlas

À Aït Bouguemaz, près d’Azilal, Fatima se bat tous les jours contre la pauvreté. Le grand froid ne fait que rajouter au calvaire de cette mère de famille, qui vit sans électricité, sans toilettes et sans portes pour se maintenir au chaud.

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Crédit: Yassine Toumi/Telquel

Elle s’appelle Fatima. Elle serait âgée de 58 ans, selon ses estimations. Cette mère de trois enfants, qui habite à Aït Bouguemaz, dans les environs d’Azilal, relate son calvaire avec la pauvreté, avant la souffrance que lui fait endurer le grand froid.

“Je n’ai pas un centime. Ce sont des voisins qui me donnent de quoi subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants”. Dans la pénombre de sa modeste demeure, une bougie illumine le visage, déjà très marqué par les stigmates du temps, de cette femme qui a pourtant moins de 60 ans.

Le seul autre éclairage de son abri de fortune est cette lampe à gaz, gracieusement offerte par un voisin épicier de ce douar perdu au milieu de l’Atlas, enseveli sous un manteau de neige.

Quand elle n’a ni bougies ni gaz, Fatima s’éclaire et se chauffe grâce à son réchaud rudimentaire, alimenté par les plants d’armoise (“Chih” ou “Ifsi” en amazigh) qui poussent sur la montagne.

Chaque année, aux mois de septembre et octobre, la fille de Fatima escalade le flanc de la montagne pour récolter les plants d’armoise et les stocker en prévision des jours de grand froid. “C’est loin de suffire en période de chute de neige”, soupire Fatima. “Quand la neige s’arrête, ma fille tente d’en trouver encore un peu, sur la montagne”, poursuit-elle.

Au douar, les camions transportant le bois de chauffe affluent pendant la période d’accalmie. Mais Fatima ne fait qu’assister au ballet de ces engins. “Je suis pauvre. Si j’avais de l’argent, je penserais d’abord à réparer mon toit, avant de penser au bois de chauffe”, explique-t-elle.

Tout comme le confort spartiate dans lequel elle évolue, la maisonnée vit de repas pour le moins frugaux. Du thé et du pain. Les jours heureux, la famille a droit à un repas en sauce avec des pommes de terre pour seul complément. Le jour de l’Aid, des bienfaiteurs du village lui offrent parfois la bête de sacrifice. D’autres fois, elle sacrifie un membre de son maigre troupeau, pour l’heure composé de quatre têtes de bétail.

“Il n’y a pas d’électricité dans ma maison. Je n’ai pas d’argent pour la payer”, se lamente-t-elle encore. Elle remercie notre fixeur, Hmad, qui lui propose de l’aider à se connecter au réseau électrique, mais elle lui signifie qu’elle ne pourra de toutes les manières pas payer les mensualités.

Le seul petit confort dont elle peut se prévaloir, c’est ce robinet qui l’alimente en eau potable provenant d’une source montagneuse. La précieuse ressource a pu être acheminée au douar grâce à une association, et à la solidarité des habitants qui ont contribué chacun avec 500 dirhams pour raccorder les habitations au réseau.

Je voudrais que quelqu’un vienne s’enquérir de l’état de ma maison. Je n’ai pas de toilettes. Et les chambres n’ont pas de portes (…) quand je dois faire mes besoins, je les fais dans la nature”, déclare-t-elle, juste avant notre départ, à l’attention de la plus haute autorité du pays : le roi Mohammed VI.

Fatima nous confie aussi qu’elle souffre depuis une quinzaine d’années d’une maladie qui l’empêche de dormir. Elle ne peut consulter de médecin, le plus proche se trouvant à 18 kilomètres de chez elle. “Il y a une énorme pente à escalader pour y arriver. Mon état de santé ne me le permet pas (…) J’ai choisi de rester chez moi. Si je guéris tant mieux, mais si meurs… je m’en remets à la volonté d’Allah”, souffle-t-elle, résignée. 

Par Sami Joulal, adaptation Z.C.

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