Algérie: le J'accuse de Boualem Sansal

En ouverture d’un long dossier alarmiste sur le risque migratoire que fait peser une Algérie « au bord de la faillite », l’hebdomadaire français d’extrême droite Valeur Actuelles, accorde une tribune  à l'écrivain algérien Boualem Sansal. Un texte aux allures de pamphlet contre le régime de Bouteflika.

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Crédit: JOEL SAGET/AFP

L’auteur de « 2084, la fin du monde » y livre un récit amer sur ce qu’est devenu l’Algérie d’aujourd’hui, reprochant les atermoiements de ses différents dirigeants, et surtout l’oeuvre d’Abdelaziz Bouteflika, « coupable » désigné que l’on retrouve du début à la fin d’un texte au vitriol.

Boualem Sansal y commence par le début, en rappelant les espoirs d’une Algérie qui se voyait briller « au firmament du tiers-monde » du temps de Boumédiene. C’était le temps de « la croyance affichée » en un « élan révolutionnaire socialiste« , en le « génie de son leader bien-aimé », le « dévouement de son armée populaire », le « courage légendaire de son peuple » et le généreux Sahara qui lui fournit pétrole et gaz à volonté.

En cette époque révolue, le voisin de l’Est espérait rattraper « l’Espagne en 1980, l’Italie en 1990, la France en 2000, l’Allemagne en 2010 et les États-Unis en 2020 », énumère Sansal, sans trop y croire si on prend la peine de lire entre les lignes. « Tout cela était consigné dans un plan stratégique adopté à l’unanimité en Conseil des ministres et vendu au peuple comme le nouveau Coran« , poursuit Sansal, levant le doute sur son ton ironique.

A cette époque, Abdelaziz Bouteflika, alors fringant ministre des Affaires étrangères  « était déjà là, (aux  côtés de Boumédiène), brillant et affairé« .  Il « passait le plus clair de son temps dans les avions et les palaces où encore aujourd’hui les vieux grooms hyperstylés se souviennent de ses sérénades futuristes« , écrit l’écrivain avec malice.

Boumédiène finit par céder la place à Chadli, « un roi fainéant dans la meilleure tradition orientale » qui « apprit au peuple et au monde (que l’ancien raïs) avait tout faux ». Dix années passèrent, et l’Algérie finit par appeler le FMI à la rescousse. « Les experts du FMI démontrèrent que la chose n’était pas rattrapable et qu’il fallait tout envoyer à la casse et repartir de zéro« , estime l’auteur de Harraga.
Le 11 janvier 1992, Chadli démissionne suite aux « législatives calamiteuses » qui donnèrent les islamistes vainqueurs.

Tristes records

« La guerre dura ce qu’elle dura, une décennie, que les Algériens appelleront la ‘décennie noire’ et finalement Bouteflika verra son rêve se réaliser, l’état-major de l’armée lui offrait la République pour en jouir à sa guise en échange d’un service : jouer de ses relations pour le sauver du TPI, qui voulait savoir certaines choses sur sa façon de faire la guerre ». 

L’ancien plus jeune chef de la diplomatie au monde saisit l’occasion et profite du besoin de sécurité que recherche le peuple. Mais cela a une contrepartie, selon l’auteur du Serment des barbares.  « Ils devront oublier que, sous son règne, l’Algérie a battu des records mondiaux dans plusieurs domaines sensibles : la fraude électorale, la corruption au sommet de l’État, la fuite des cadres et des capitaux, la déperdition scolaire, le suicide des jeunes filles, le viol, le kidnapping, l’émigration clandestine, les grands trafics, le règlement de comptes, les décès inexpliqués dans les hôpitaux, les prisons, les commissariats, les cantines scolaires… La liste est longue ».

Et d’insister: pour l »écrivain, s’il y a un coupable à désigner, c’est Abdelaziz Bouteflika. « Au pouvoir depuis l’indépendance (il le) restera jusqu’à sa mort« , pense-t-il. « La dynastie Bouteflika survivra au peuple mais le peuple ne lui survivra pas », conclut le lauréat grand prix du roman de l’académie française en 2015.

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