Le Maroc lorgne les pays de l'Asie du Sud-est

Mohammed VI devrait se rendre en Indonésie, à Jakarta puis Bali, après le séjour du chef de gouvernement en Malaisie et la participation du Maroc au Mékong River Commission. Autant de signes d'intérêt pour l'Asie du Sud-est par le royaume.

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Crédit: AFP

Mohammed VI est annoncé par la presse en Indonésie au mois de décembre, d’abord à Jakarta puis à Bali pour le forum sur la démocratie. Un forum qui fait la promotion du système politique indonésien auprès des dix pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). « C’est intéressant pour le roi d’y participer alors que le Maroc a un statut d’observateur, car il pourra y rencontrer les ministres des Affaires étrangères des pays de l’ASEAN« , anticipe un diplomate marocain qui a déjà travaillé avec les pays de l’organisation régionale qui sont au nombre de dix (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam, Brunei, Cambodge, Birmanie et Laos).

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Quelques semaines avant ce forum, Saad Eddine El Othmani s’est rendu en Malaisie du 21 au 23 novembre pour la 13e édition du Forum économique islamique mondial (WIEF). Il a rappelé que l’adhésion du Maroc au Traité d’amitié et de coopération (TAC) de l’ASEAN (en septembre 2016) « sera mutuellement bénéfique » pour les deux parties.

Le chef du gouvernement a ajouté que cette adhésion « permettra de dresser des ponts de coopération et de partenariat entre l’Afrique et l’Asie ». Parmi les atouts du Maroc, El Othmani a listé l’ouverture sur le reste de l’Afrique, les relations solides du Royaume avec le continent européen, un partenariat stratégique avec le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et les accords de libre-échange avec les États-Unis.

En septembre 2016, le Maroc et l’Égypte sont devenus les deux premiers pays africains et arabes à adhérer au TAC, portant à 24 pays le nombre de signataires hors ASEAN du traité. Parmi ces derniers, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (France, Grande-Bretagne, Russie, USA, Chine), le Japon, l’Inde, le Canada, la Corée du Sud, l’Australie et le Brésil. « L’Égypte et le Maroc sont les deux pays les plus intéressés par les investissements dans la région« , commente le même diplomate marocain sous couvert d’anonymat.

Des échanges commerciaux encore timides

À l’époque, Nasser Bourita avait déclaré que cette coopération avec les pays de l’ASEAN reposait sur le défi sécuritaire, la guerre antiterroriste et la lutte contre les changements climatiques. Il avait surtout précisé l’importance du développement de la coopération économique à travers l’augmentation des échanges commerciaux, « vu les opportunités offertes aux produits marocains sur le marché commun de l’ASEAN« .

Pourtant, les échanges commerciaux ne sont pas phénoménaux. La Chine est le premier partenaire commercial de l’ASEAN, devant l’Union européenne. L’organisation fondée en août 1967 compte plus de 620 millions d’habitants et représente plus de 2.400 milliards de dollars de PIB.

En 2015, le centre marocain de conjoncture (CMC) avait estimé que les « flux d’investissement en provenance des pays asiatiques peinaient à prendre de l’élan« . Au total, les échanges commerciaux avec les dix pays ne dépassent pas de beaucoup les 11 milliards de dirhams, contre 9,5 milliards en 2014.

Au premier semestre 2017, les échanges commerciaux ont pourtant l’air de progresser, puisqu’ils ont atteint 5,6 milliards de dirhams selon des chiffres issus de l’Office des changes.

pays ASEAN
(chiffres exprimés en dirhams)

Singapour est le premier partenaire commercial du Maroc dans l’ASEAN, avec 3,4 milliards de dirhams échangés. Il est suivi par l’Indonésie, qui se stabilise autour de 1,9 milliard de dirhams depuis 2014. Les échanges commerciaux qui ont le plus progressé au cours des trois dernières années sont ceux réalisés avec le Vietnam. Ils sont passés de 1,5 à 2,7 milliards de dirhams entre 2014 et 2016. Ils ont déjà atteint 1,2 milliard pour le premier semestre 2017.

« Adhérer au TAC permet de nouer des relations institutionnelles avec l’ASEAN et permet de lancer des projets de coopération dans la sécurité, l’agriculture et le renseignement« , commente notre source diplomatique qui précise que l’on assiste à un renversement des relations bilatérales vers des relations multilatérales.

Cette tendance se confirme avec la participation du Maroc à la Mékong River Commission. Des axes de coopération ont été convenus avec cette organisation régionale composée de quatre pays fondateurs (Thaïlande, Cambodge, Laos et Vietnam) avec laquelle le Royaume a conclu un mémorandum d’entente en juin dernier.

Le Maroc se pose comme un pont entre l’Afrique et l’Europe pour les pays asiatiques, mais il n’est pourtant pas automatiquement utilisé par ses partenaires. « Les rencontres avec les hommes d’affaires sont trop épisodiques« , affirme notre ancien diplomate qui rappelle qu’en Indonésie, tous les instruments juridiques pour pouvoir échanger sont mis en place comme les accords et facilités douanières.

Toujours en prenant l’exemple de l’Indonésie où devrait bientôt se rendre Mohammed VI, notre source diplomatique estime que « la plupart de ces pays sont demandeurs d’investisseurs étrangers. Le Maroc doit aussi faire face à d’autres pays africains qui se présentent comme un pont vers l’Europe« .

Face au Maroc, la concurrence est de taille. Ainsi, l’Égypte se pose en carrefour entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe alors que le Nigeria se positionne comme la plateforme vers l’Afrique de l’Ouest.

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