Hirak: les caméras, principal sujet lors de l'audience de Nasser Zafzafi

La présence des caméras dans la cour de justice et surtout la destination finale des images filmées ont fait l'objet d'un débat houleux entre la défense et la partie civile lors de la deuxième audience du procès de Nasser Zafzafi.

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Le leader du Hirak Nasser Zefzafi, condamné à 20 ans de réclusion. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

par M’hamed Khiyi. Editing: Yassine. Majdi

Alors que débute l’audience dans la salle numéro 7 de la Cour d’appel de Casablanca ce mardi 31 octobre, le président de la cour, Ali Tarchi, fait l’appel de l’ensemble des accusés qui doivent répondre « présent » derrière le box de verre où ils ont été installés.

Lorsque vient le tour de Nasser Zafzafi, qui figure au milieu de cette liste, le leader du mouvement de contestation du Rif se lève et déclare: « Présent. Monsieur le président de la cour, un crime a lieu dans cette Cour. Oui monsieur le président, la religion stipule que si un jugement doit avoir lieu il doit être fait de manière juste. Alors que je crois en la justice, de quel droit, la première (Al Aoula) et la deuxième chaine (2M) sont-elles présentes alors qu’elles nous ont accusés de séparatisme?« .

Ignorant les accusations de Zafzafi, Ali Tarchi tente de poursuivre son appel des accusés, mais est interrompu par l’avocat et militant amazigh Hassan Abdelkacem qui déclare: « monsieur le président. L’accusé est en train de dénoncer un crime . Vous ne devez pas l’interrompre, mais plutôt enquêter dessus« .

L’agitation s’empare de la salle, mais lorsque les choses reviennent au calme, les accusés font part de leur volonté de quitter le box en verre où ils sont installés pour regagner les couloirs de la cour. Après cette demande, Hakim El Ouardi, substitut du procureur du roi, déclare: « le problème est simple et il y a une incompréhension de la part de monsieur Zafzafi, car ces caméras ne diffusent pas les images qui sont actuellement filmées« .

Protection de la vie privée

Abderrahim Jamai, coordinateur de la défense des accusés, prend la parole: « premièrement, Nasser Zafzafi est là pour dénoncer un crime. Deuxièmement, nous ne savons pas où sont diffusées les images enregistrées par ces caméras« .

Il insiste: « monsieur le président, l’accusé a le droit de protéger sa vie privée. Pourquoi donc cette audience est-elle filmée? Où vont ces enregistrements? Au parquet? Au greffe? À la préfecture de police? Au ministère des droits de l’Homme ou un autre organisme? »

L’avocat poursuit son plaidoyer en affirmant que « c’est un élément sur lequel il faut prendre une décision immédiatement. Répondez à la question, montrez-nous les enregistrements afin que nous puissions nous assurer de leur contenu« .

Pour Jamai, l’enregistrement de ces images est un « crime, car le droit des accusés à l’image et à la protection de leur vie privée n’est pas pris en considération« . Ce à quoi le substitut au procureur répond: « il ne s’agit pas d’un crime. Zafzafi a été confus par certaines choses et je lui ai clarifié la situation« .

« Phobie des caméras »

C’est ensuite Mohamed Ziane, autre avocat de la défense, qui prend la parole pour s’opposer à la présence des caméras à l’audience. « Mon client a un complexe psychologique face aux caméras. Il a développé une phobie et déteste les caméras depuis la diffusion et la fuite d’images le montrant nu sur des sites web. À partir du moment où ces images ne sont pas diffusées pour informer le public, je crains qu’elles soient utilisées pour convaincre certaines autorités que les accusés sont des séparatistes« .

En réponse à ces arguments, le substitut du procureur général évoque « l’audience préliminaire du 5 octobre 2017 durant laquelle les chaines de télévision ont été autorisées à diffuser des images de la Cour avant les auditions ». Le magistrat précise que les images filmées par ces caméras ont été diffusées dans des « salles annexes » en raison de la grande affluence drainée par ce procès. Un argument rejeté par Me Jamai qui déclare: « À ce que je sache, les autres salles d’audience sont vides ».

Alors que le coordinateur de la défense demande aux juges de vérifier la véracité des propos du substitut du procureur, le président de la cour annonce le report de l’audience au 7 novembre prochain. Pendant le débat relatif à la présence de caméras, Nasser Zafzafi a quitté la salle d’audience tandis que les autres accusés ont été expulsés par le juge en raison d’interruptions durant l’audience.

Editing par Yassine Majdi

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