Le photographe Youness Miloudi rend hommage aux tribus isolées du monde dans les rues de Tata

L'exposition "Last Tribes", du jeune photographe marocain Youness Miloudi, se déroule jusqu'au 12 octobre dans les rues de la ville de Tata.

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Depuis quelques jours, des portraits d’hommes, d’enfants et de femmes aux bijoux colorés et à l’histoire parfois triste ornent les rues de la ville de Tata (289 km au sud-est d’Agadir). Les photos sont celles du jeune photographe marocain Youness Miloudi, 33 ans, qui après Marrakech, Arles et Paris, présente sa série « Last Tribes« . Les Mentawais d’Indonésie, le peuple de la vallée d’Omo d’Éthiopie, les Boras d’Amazonie ou encore les Massaïs de Tanzanie…

Entre 2010 et 2016, le photographe a parcouru le monde pour photographier ces tribus qui perpétuent un mode de vie ancestral depuis des siècles et qui sont aujourd’hui en voie d’extinction.

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Dans le cadre du projet avec Marocopédia, les photographies de Youness Miloudi sont exposées dans les rues de Tata.

L’exposition se tient en marge du projet de Marocopédia, une encyclopédie solidaire soutenue par l’Unesco qui propose de répertorier le patrimoine marocain, dont les équipes sillonnent actuellement la ville de Tata avec quatorze jeunes pour réaliser de courts documentaires sur le patrimoine culturel de la ville.

L’exposition itinérante « Last Tribes » de Youness Miloudi, artiste sensible à la disparition du patrimoine humain mondial, sera visible dans les rues de Tata jusqu’au 12 octobre 2017. Voici un petit tour d’horizon des différentes tribus représentées.

Les Sadhu d’Inde

Lorsque Youness Miloudi décide de partir en Inde en 2010, le projet « Last Tribes » n’existe pas encore. Là-bas il rencontre les Sadhu, des moines qui ne travaillent pas et consacrent leur vie à la prière. « Ils font la prière pour les gens et vivent de leur charité« , explique le jeune photographe qui décide alors de vivre quelques semaines avec l’un d’entre eux. « C’était un moine qui avait passé dix ans dans la forêt pour prier, faire du yoga et se retrouver avec lui-même« , poursuit-il.

Cette rencontre sera le point de départ de son projet documentaire. Il repart deux fois en Inde, puis décide, en 2013, de quitter son poste d’ingénieur pour faire un tour du monde et rencontrer d’autres tribus.

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Un Sadhus en Inde. Crédit photo : Youness Miloudi

Les moines tibétains du Népal

Le périple de Youness Miloudi l’a notamment mené sur les cimes de l’Himalaya au Népal pour rencontrer des moines tibétains qui vivent dans des villages perchés tout en haut des montagnes. « Ils se sont enfuis de Chine et sont venus se réfugier là, dans les montagnes« , explique le photographe qui a dû marcher de longues heures pour arriver jusque-là. « Je ne comprenais pas le délire des gens qui faisaient des randonnées qui duraient pendant des jours dans la montagne. Mais quand tu le fais avec eux, tu comprends. C’est une telle connexion avec la nature, avec le monde!« , raconte-t-il.

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Une nonne dans l’Himalaya. Crédit photo : Youness Miloudi

Les Mentawais d’Indonésie

Le jeune homme s’est rendu en Indénosie où il a rencontré les Mentawais, une tribu d’animistes qui vit dans une île éponyme. « Ce sont des chamanes qui vivent en totale harmonie avec la nature. Comme ils n’ont pas de contact avec le reste de l’Indonésie, ils n’importent rien. Ils sont donc totalement autonomes. Ils cultivent, pratiquent l’élevage et chassent« , raconte Youness Miloudi.  Le problème aujourd’hui, selon lui, c’est que le gouvernement indonésien cherche à imposer une religion à ce peuple d’animiste. « Sauf qu’eux ne croient en rien à part en la forêt », s’agace-t-il.

Pour les contrôler, le gouvernement essaye de les faire sortir de la forêt et de les loger dans les villages gouvernementaux situés sur la côte. « Ils essayent de les attirer avec un soi-disant confort, en leur disant qu’il y a de l’eau et de l’électricité« .

Au fil des ans, beaucoup ont cédé, puisque d’une dizaine de milliers dans les années 1960, ils ne sont plus que 500 dans la forêt. « C’est vraiment là qu’on peut rencontrer les vrais résistants. Ils sont souvent vieux d’ailleurs. Les autres, qui sont partis dans les villages où il y a la télé et le téléphone, sont habillés à l’occidentale et ont plus envie de quitter l’île que de retourner vivre à la dure dans la forêt« , explique Youness Miloudi.

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Un Mentawai en Indonésie. Crédit photo : Youness Miloudi

Le peuple de la vallée d’Omo au sud d’Éthiopie

Là-bas une vingtaine de tribus différentes vivent côte à côte. « Chacune d’entre elles à sa manière de s’habiller et de vivre« , raconte Youness Miloudi pour qui la rencontre avec ces tribus a été plus compliquée que celle avec qu’avec les Mentawais. « Ici les gens sont beaucoup photographiés et ont l’habitude des touristes. Les tribus ont donc développé un rapport particulier à l’argent. Or, moi je ne veux pas donner d’argent pour faire des photos, ça fausse tout mon travail« , explique-t-il.

Si les tribus sont, à la base, toutes animistes, elles ont elles aussi été influencées par le gouvernement et sont petit à petit devenues chrétiennes. « Mais les membres de ces tribus ne sont pas du tout pratiquants, précise le photographe. Ils ont chacun leurs propres traditions!« . Originellement nomades, ces tribus de guerriers tendent aujourd’hui à se sédentariser. « Mais il y a encore quelques nomades qui font des kilomètres pour aller chercher de l’eau« , poursuit Youness Miloudi.

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L’un des membres d’une tribu dans la vallée d’Omo au sud d’Éthiopie. Crédit photo : Youness Miloudi

Les Massaïs en Tanzanie

La tribu vit dans une réserve naturelle, aux côtés d’une dizaine de lions. « Ils n’ont pas du tout peur. Ils ont même une drôle de relation avec eux, car ils les connaissent tous« , confie le photographe. « C’est vrai que les lions n’attaquent jamais les hommes, seulement le bétail. Des fois, ce sont même les Massaïs qui courent après les lions pour les chasser« .

Ce qui a marqué le photographe? Les femmes qui « mettent des heures à se préparer pour montrer qu’elles appartiennent à telle ou telle tribu. Chez les Hammers, par exemple, elles se mettent de la terre dans les cheveux pour faire une sorte de larges dreadlocks« .

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Un Massaï en Tanzanie. Crédit photo : Youness Miloudi

Les Boras péruviens

Ces animistes « christianisés et non pratiquants » rappellent au photographe les Mentawais d’Indonésie. « La religion, c’est politique. Pour eux, ce qui importe c’est la tradition. C’est pourquoi eux non plus ne veulent pas sortir de la forêt pour s’installer dans les villages« , explique Youness Miloudi. Mais contrairement aux Mentawais qui n’ont jamais quitté leur île, les Boras ont des contacts occasionnels avec le reste du Pérou.

Ils ne sont d’ailleurs pas complètement autonomes. « Ils font aussi beaucoup d’objets artisanaux qu’ils revendent grâce à leurs enfants qui vont en ville« , explique-t-il. À part cela, la tribu vit, comme les autres, de la nature: « Ils chassent des singes avec une flèche traditionnelle particulière. Ils aiment beaucoup faire la fête le soir autour du feu, danser. Ils créent aussi de très beaux costumes à partir des arbres et des plantes qui les entourent », conclut Youness Miloudi.

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Des Boras d’Amazonie. Crédit photo : Youness Miloudi

Younès Miloudi, un photographe sur les routes du monde

Youness Miloudi est né à Fès. Mais c’est en France que le jeune homme, alors étudiant ingénieur, s’offre son premier appareil photo. En 2010, il part pour la première fois en Inde. C’est le point de départ d’un projet de plusieurs années de voyages en sac à dos et de rencontres qui alimenteront tout son travail photographique. À son retour, il réalise à Paris sa première exposition intitulée « Voyage au coeur de l’Inde » qui s’installe alors dans plusieurs lieux culturels de la capitale. En 2013, il repart sur les routes du monde pour plusieurs mois. De la vallée de l’Omo aux montagnes de l’Himalaya en passant par la cordillère des Andes, Youness Miloudi réalisera la majeure partie de son projet « Last Tribes » pendant ce voyage.[/encadre]

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